FSM Mumbai - Coup de gueule

Ami qui vit en Inde - posté sur IMC Paris, 21.01.2004 03:31

ADIEU BOMBAY !

Organiser le Forum social mondial à Mumbay, c'est comme installer les tréteaux de la Fête de l'Huma à la Bourse de Paris ou la journée de la Femme a Patpong...

Si "un autre monde est possible", ce n'est certes pas à Mumbay ; le film de Satyajit-ray, 'Salam Bombay', est loin de figurer, dans sa charge critique, toute l'ignominie de cette ville-état, livrée à l'Horreur Economique...

Cette mégalopole de la côte ouest indienne, dominée par l'argent et la figure politique omniprésente de l'infâme Bal Thackeray, chef de la redoutable Shiv Sena (l'armée du Dieu Shiva), qui diffuse dans tout le pays, un message raciste, antimusulman et anti-étranger, n'a rien a voir avec la polie et accueillante Porto Alegre Brésilienne. Pourquoi les organisateurs et ONGs du Forum Social mondial ont-ils choisi "cet enfer moderne" plutôt qu'une ville ou village sympa de l'Orissa, du Bihar ou du Madya Pradesh?

A quelques encablures du port de Bombay, à Anjuna beach, dans l'état de Goa, à noël 2003, les bandes fascistes de Thackeray, protégées par la police, ont fermé manu militari les commerces tenus par les 'foreigners' (étrangers), pour la plupart des petits blancs expatriés, européens, américains et quelques israéliens... En novembre de la même année 2003, plus grave, les mêmes bandes ont chassé et 'ratonné' dans les rues de Bombay les biharis, les bengalis, etc., venus, pour un éventuel job dans l'administration des Chemins de fer indiens.

Ces fondamentalistes hindous, qui servent de S.A. au parti gouvernemental B.J.P. ont interdit récemment la parution d'un livre historique, juge "révisionniste", relatif à l'histoire d'un roi hindou en terre musulmane au Maharashtra, écrit par un universitaire américain ; et saccage la maison d'édition indienne...

La passion amoureuse de Shiv Sena pour Bombay est une longue histoire ; deja en 1975, lors de l'Etat d'urgence, décrété par Indira Ghandi, l'écrivain cosmopolite indien, V.S. Naipaul notait dans son livre "L'Inde brisée", que Shiv Sena organisait "efficacement" la vie sociale dans les "slams" (bidonvilles) de Bombay...

Mumbay est aujourd'hui à l'image de ces "goondas", parvenus, cyniques, brutaux et incommensurablement injustes. Les gratte-ciel, peuples d'affairistes, spécialisés dans les crédits, investissements "souvent bidons", sous couvert d'ONG, et "hawala" (traffic de devises étrangeres) y dominent les slams. Eut égard à la chèreté de la vie et la spéculation immobilière, il y est très difficile, pour un backpacker ou un 'dalit européen d'y trouver gite et couvert... Les forces de police y sont plus corrompues qu'ailleurs et côtoient ouvertement les milieux politico-religieux-maffieux ; l'immense scandale des faux timbres fiscaux, impliquant les chefs de la police et la mafia témoigne de cela... Les 4X4 nippons, flambant neuf, des artistes de Bollywood et les Mercedes-Benz blanches des politiciens véreux, escortés de milices armées, y écrasent souvent le pauvre et l'indigent ; voir l'affaire Salman Khan, cet artiste, au-dessus des lois, qui tua avec son véhicule, un soir d'ébriété, quelques pauvres dans les rues de Bombay : il n'est toujours pas jugé...

Et c'est à cette ville aux couleurs dantesques que rendent hommage nos penseurs du nouveau monde ! Ce sont dans ces mégalopoles indiennes tel Chenay (Madras) où l'Etat est le plus violent à l'égard des mouvements sociaux. Rappelez-vous, cet été, le gouvernement du Tamil Nadu licencia et, parfois emprisonna, plus de 100 000 personnes, enseignants, instits, etc., du secteur public, "pour fait de grêve" !

Le choix des organisateurs dénote une parfaite méconnaissance du clivage profond entre les mégalopoles, les villes et les villages indiens ; d'un point de vue institutionnel, des morceaux d'états entiers, au Madya Pradesh, Orissa, etc. sont abandonnés à eux-memes, d'où la recrudescence des mouvements maoistes "naxalites" et séparatistes. Il existe un problème récurent, structurel, entre le Centre (qui peut être Dehli, Bombay, Chenay, Calcutta) et les états péripheriques ; les centres se comportant en pouvoir neo-colonial.

Curieusement les "Freedom Fighter" qui ont pris le pouvoir des mains des imperialistes anglais, en 1947, pratiquent à l'égard des peuples de l'Union indienne, un colonialisme interne. Les discours sur les pseudo clivages entre les communautés (musulmanes et hindous) ne peuvent masquer cette réalité-là !

Politique catastrophique qui a conduit à 3 ou 4 guerres avec le Pakistan et le quasi-état d'urgence dans plusieurs états : Jammu-et-Kashmir, Assam, Manipur, Nagaland, etc.

Je doute que le Forum social, dans leur Luna Park, évoque ces problemes de fond...

Homepage: http://paris.indymedia.org/

http://ch.indymedia.org/fr/2004/01/17526.shtml

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