L'estime de soi pour éviter la démission

Jean-Paul Piérot, mardi, 20/01/2004 - 08:48

Analyses

" La politique économique ne doit pas être laissée aux technocrates, elle est au cour du processus politique dans toute démocratie. " Par ces premiers mots, Joseph Stiglitz, ancien chef du conseil des économistes du président Clinton et vice-président de la Banque mondiale, jusqu'à sa démission pour désaccords, a exprimé sa conviction que les citoyens doivent reconquérir leur souveraineté en matière de choix économiques et sociaux. La conférence qui a attiré une foule imposante lundi au Forum social mondial portait sur une question majeure : la mondialisation et la sécurité économique et sociale. L'économiste américain, très applaudi, a pointé la caractéristique principale et la plus nocive de la mondialisation capitaliste : la libération des marchés des capitaux. Prenant pour exemple la récente crise financière dans le Sud-Est asiatique, l'économiste a démontré que la libre circulation des capitaux " crée une instabilité accrue dans les pays en voie développement ". Dans un premier temps, les capitaux peuvent avoir un rôle de stimulation rapide en se portant sur des secteurs générateurs de profits, mais dès qu'ils se déplacent, ce qu'ils font en toute logique, ils laissent un paysage de " dévastation ". Pour attirer ces capitaux, les gouvernements jouent le rôle de " facilitateur " en faveur des sociétés, en réduisant les coûts sociaux, notamment la sécurité sociale.

Dans tous les pays en voie de développement, le Fonds monétaire international (FMI) recommande les libéralisations et des réformes de la protection sociale. Et en mars 2003, les experts du FMI ont été obligés de parler de " mauvaises libéralisations qui ont accru l'instabilité ", a fait observer Joseph Stiglitz, qui voit dans cet aveu le résultat des mobilisations de la société civile.

Les réformes libérales de la sécurité sociale, prônées dans de nombreux pays, soit en voie de développement, soit hautement développés, auront pour conséquence " d'exposer la personne à l'insécurité, de la laisser à la merci de la Bourse ". Comme les autres orateurs le diront chacun à sa manière, Joseph Stiglitz insiste sur la préservation du caractère public de la sécurité sociale. " La sécurité sociale est indexée sur l'inflation, or jamais le privé n'acceptera une telle garantie. " Parmi les autres impacts de la mondialisation, l'économiste américain a évoqué la " libéralisation du marché du travail " qui " érode toute sécurité " pour le salarié. Il a dénoncé les accords inacceptables à l'OMC contre les pays pauvres et principalement l'Afrique. Les organisations financières internationales doivent, selon Stiglitz, avoir pour objectif l'accroissement de la sécurité économique et la réduction de la pauvreté, la croissance et l'emploi. La défense de la sécurité sociale doit être prise en main par les opinions publiques. " L'insécurité sociale, a conclu l'économiste américain, est mauvaise pour la croissance économique. "

Plusieurs économistes et des responsables syndicaux ou associatifs ont tous montré que la mondialisation capitaliste se traduit par des décisions gouvernementales conduites par une même logique. Le Philippin Antonio Tujan a montré que la marchandisation du travail conduit à la flexibilité, la multiplication des contrats temporaires. Une économiste brésilienne dénonça l'attitude du FMI qui, d'un côté, impose des plans structurels entraînant des coupes dans les dépenses sociales et, de l'autre, demande au gouvernement de mettre en ouvre des programmes de réduction de la pauvreté sans toucher à la " stabilité financières " - " de pauvres programmes pour de pauvres gens " -, alors qu'il y a quarante millions de pauvres. " Il faut se battre pour maintenir des systèmes publics de protection. Les profits privés doivent contribuer à son financement. Le rôle de l'État doit être préservé et la gestion démocratique garantie. L'histoire de chaque pays doit être respecté. "

L'économiste indien Prabhat Patnaik, qui estime qu'il n'y a pas de " mondialisation juste ", a observé que le pouvoir d'achat dans certaines régions est tellement bas que, pour la première fois depuis l'indépendance, la production alimentaire baisse. La mondialisation est dominée par l'impérialisme, affirmait à son tour Samir Amin économiste égyptien installé en France. Il dénonçait la militarisation comme moyen de domination d'un marché global. Il livrait deux chiffres inquiétants : " Il y a dans le monde trois milliards de personnes vivant de l'agriculture ; en appliquant l'intensification, la concentration des surfaces, la prise en main par les multinationales, 58 millions de personnes pourraient suffire. Que feront les autres, elles s'entasseront dans les bidonvilles ? " Et ici, à Mumbai, on sait ce que cela veut dire.

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L'Humanité est le quotidien lié au Parti communiste français.

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