"Journées de résistance" au Gang des 8 (G8) à Evian

Le plus important, selon nous, est que la mobilisation reste fidèle à l'esprit du mouvement anti-mondialisation. Il ne s'agit donc pas de faire "la" manif-défilé traditionnel pour se compter ou "exprimer" notre opposition. Il s'agit de s'opposer réellement à la tenue du sommet, puisqu'il est intolérable. C'est cette détermination, cet esprit d'insubordination et de désobéissance civile qui - de Seattle à Gènes, en passant par Prague, Quebec, Davos, Melbourne, etc., -.a réveillé le monde au fait que, Oui! ce qui se passe est intolérable. Si les 8000 jeunes du DAN ne s'étaient pas posé pratiquement la question de comment bloquer les 13 accès à l'OMC le jour de son ouverture (en pleine semaine), personne n'aurait entendu parler de Seattle. Si nous ne posons pasau moins symboliquementun acte semblable, le jour de l'ouverture, non seulement notre manif sera le non-événement de l'année dans les médias internationaux, mais nous enverrons le message désastreux qu'il leur est de nouveau possible d'organiser des sommets au cœur de l'Europe sans que le mouvement s'y oppose réellement. Leur exil au Qatar, à Bahrein ou dans les Montagnes Rocheuses serait fini. Le mouvement anti-mondialisation rentrerait dans le rang des oppositions polies. Pour le pouvoir mondial, c'est bien l'enjeu d'Evian (cf. les offres de financement de Chirac, etc.). Un tel renoncement ne peut se justifier au nom d'une action unitaire avec d'autres forces, notamment syndicales. Depuis Seattle, les grandes centrales s'intéressent au mouvement, mais restent jusqu'à présent en retrait, hésitant de s'engager dans une opposition franche à la tenue des sommets. Cela dit, à Seattle déjà, les syndicats nord-américains les plus progressistes ont choisi de rejoindre le mouvement dans la désobéissance civile. Nous avons de bonnes raisons de croire que cela pourrait être aussi le cas ici et il faut un scénario qui encourage ce rapprochement. Par contre, il est exclu pour nous d'abandonner le terrain et l'attitude propre du mouvement anti-mondialisation pour aller sur celui d'une manif sagement "institutionnelle". A ce prix, on aurait pu faire l'unité à Seattle déjà... et passer parfaitement inaperçu.

De toute façon, nous pensons qu'il ne faut pas penser en termes de "la" manif, mais en termes de "journéesde résistance" s'étendant sur environ une semaine (de l'arrivée des équipes techniques le mercredi 27 mai jusqu'à la fin du sommet le mardi 3 juin), assumées globalement par toute la coordination (c'est à ce niveau politique que s'exprimera l'unité d'ensemble, comme à Gênes dans le cadre du Forum Social de Gênes). Le point d'orgue doit forcément être l'ouverture du sommet le dimanche, jour décisif - symboliquement, effectivement (par rapport à une perturbation réelle) et surtout du point de vue des médias internationaux. A chacun, y compris les syndicats, de s'insérer comme ils entendent dans l'ensemble.

Notre action principale du dimanche doit donc avoir un caractère d'opposition effective, de blocage ou au moins de perturbation sérieuse de l'ouverture du sommet, tout en évitant le danger réel de manipulations médiatiques et provocations policières comme celles déjà observées à Gènes ou Davos.

Heureusement, le terrain s'y prête en fait très bien. Il est de toute façon exclu d'arriver jusqu'à Evian, ce qui écarte d'emblée l'idée de pénétrer dans la "zone d'exclusion" comme à Gènes ou Davos, ce qui dans le contexte de répression actuelle provoquerait certainement un affrontement qui risquerait de se retourner contre nous. Comme à Seattle nous pouvons nous mettre en position défensive. Nous pouvons utiliser l'immense popularité de notre mouvement, de notre nombre, pour établir une énorme "zone d'exclusion populaire" (un slogan possible: "Excluons les responsables de l'exclusion!") autour d'Evian, sans même s'approcher des positions de la police, en choisissant nous le terrain, un qui minimise les dangers de dérapages et qui nous arrange du point de vue des transports, etc.

Viser le blocage de l'ouverture signifie faire la manif principale en trois tronçons, puisqu'il y a trois accès à Evian (ouest, est et par le lac depuis Lausanne), mais cela n'enlèvera rien à l'impact psychologique ou l'unité de la manif. Au contraire! L'unité sera dans l'organisation et le but commun. De toute façon, une manif de 100,000 ne se photographie pas en ensemble. Celle-ci sera si grande que les médias devront utiliser une carte. Non seulement cela montrera notre détermination, c'est aussi plus intéressant, pour les médias comme pour les participants (la présence de chacun sert concrètement à quelque chose). (D'ailleurs déjà à Seattle il y avait 13 tronçons, à Prague 4, à Genes je ne sais combien...)

A Lausanne et du côté du Valais, le scénario est clair. Reste à déterminer comment bloquer du côté ouest. Il y a au moins trois scénarios possibles. Etant donné le peu de foi qu'on peut avoir dans les autorités, il faudra probablement maintenir toutes les options jusqu'au dernier moment.

I. D'abord, nouspouvons et devons continuer à revendiquer notre droit de manifester à Evian, quitte à devoir accepter Thonon (première ville en dehors de la zone d'exclusion).

Avantages: Nous coupons en un seul point tous les accès par l'ouest. Notre "siège" du G8 est aussi sérré que possible et nous sommes très près du centre des médias à Publier.

Désavantages: Cela implique une bienveillance assez aléatoire des autorités françaises puisque cela implique sans doute des trains spéciaux d'Annemasse à Thonon et au minimum que la police ne se décide pas à barrer la route aux cars au dernier moment. Enfin, il y a non seulement un vrai problème de transports, mais aussi d'espace sur place. D'après la carte, en faisant le circuit le plus grand possible (plutôt tout autour de l'agglomération que dedans, le long du lac, etc.), on arrive à une distance d'environ 8 kilometres, mais sur des routes sans doute très étroites. De quoi placer peut-être 60 à 70,000 personnes, mais serréEs! Une variante proposée serait de faire marcher depuis un arrêt de train avant Thonon (Perrignier à 9 kil. Ou Mésinges à environ 6). Mais cela ne résoud pas le problème de comment faire une fois sur place. (De plus Perrignieren tout cas nous semble trop loin. Une telle épreuve sportive est inutile et réduirait d'autant le temps de blocage effectif.)

II. A l'autre extrème, nous pourrions prolonger l'obstacle du lac en bloquant tous les ponts sur le Rhône au centre de Genève. L'ensemble des ponts et les deux quais entre le Pont du Mont Blanc et le Pont Sous-Terre font un parcours d'environ 3 kilometres sur des routes larges. Cela représente une espace suffisante.

Avantages: Résoudre nos problèmes de transport. Faire une manif très spectaculaire et un blocage pratiquement aussi effectif qu'en France (les hôtels et l'aéroport sont sur la rive droite).

Désavantages: Cela bloquerait aussi totalement la ville dans son ensemble et pourrait être difficile à gérer en termes de déplacements de la manif. Le centre ville offre aussi évidemment plus d'occasions de dérapages divers. Evidemment, ce scénario déplairait aux autorités, mais ils peuvent préférer une action calme et limitée sur les ponts que le chaos qu'ils provoqueraient en essayant d'empêcher des dizaines de milliers de personnes de manifester.

Et on peut menacer de jouer cette carte pour qu'on tolère une autre...

III. Le meilleur scénario nous semble celui de deux manifs convergentes, l'une partant de la jonction autoroutière d'Etrembières en France (à la porte d'Annemasse), l'autre montant de la rade de Genève (le long de la ligne du tram 12) qui se rejoindraient à la frontière pour former une chaîne, un mur humain. La distance est de 6 kil., ce qui veut dire que 60,000 manifestants se retrouveraient dix de front, tous les mètres, de la montagne du Salève jusqu'au lac!

Avantages: C'est parfait du point de vue des transports. Côté Suisse les manifestants partent du centre et de la gare. Côté France depuis la gare d'Annemasse proche et depuis l'autoroute menant autant vers l'Italie que vers la France et l'Espagne (nous ne bloquerions que la sortie de Genève, pas l'arrivée depuis l'Italie et Annecy). Le parcours même de la manif, serait pour la plupart le long d'une large avenue avec au centre un tram en site propre. Non seulement le tram pourrait servir à transporter des manifestants plus âgés, orchestres, etc., nous pourrions même nous payer le luxe de laisser la moitié ouest de la chaussée libre pour le trafic local, d'urgence, etc. Le dérangement serait minimal pour les honnêtes gens puisque le mur humain empêcherait seulement le trafic bifurquant en direction du Chablais et Evian. (En plus, dans cette configuration d'une manif allongée nous pourrions faire des barrages filtrants, laissant passer tous sauf ceux qui ont affaire avec le G8.) Les risques de dérapages seraient minimaux puisqu'il s'agit pour l'essentiel d'une zone villa, pas d'un centre ville avec magasins, etc. En même temps c'est une zone habitée contiguë avec la ville, nous ne serions pas isolés sans témoins à la campagne. Enfin, cela permettrait probablement de réaliser dans les meilleures conditions l'ouverture de frontières symbolique à laquelle songeait déjà certaines organisations. (Si un raidissement de la police ne permettait pas une jonction totale l'effet blocage serait de toute façon assurée - dans ce cas de figure avec la participation d'un tronçon policier!). La jonction des deux manifs, la mise à contribution de notre frère le Salève et notre sœur le Léman, etc., donnerait d'autres aspects symboliques à la chose.

Désavantages: Certains ont objecté par rapport aux scénarios de blocage qu'ils ne seraient sans doute pas effectifs. C'est loin d'être certain. La majorité des 10,000 délégués, aides, traducteurs, journalistes, etc. seront logés à l'extérieur, sur 40 kilomètres à la ronde. Pour le G8 l'organisation sera une affaire complexe même sans nous. (En mai 1998 à Genève, par exemple, la désobéissance civile de quelques centaines de manifestants le dernier jour avait provoqué une pagaille totale dans le départ des délégués, une grande partie ratant du coup leur avion.) Il y aura des hélicoptères pour les ministres évidemment, mais de toute façon, l'essentiel sera gagné s'ils sont obligés de faire un pont aérien style Dien Bien Phu autour de leur camp retranché (comme Bush, obligé de dormir sur un porte-avions au large de Gênes). Le but est bien de les obliger à projeter cette image véridique de leurs rapports - fondamentalement basés sur la force - avec le peuple.

D'autres ont peur que cela soit trop efficace, par rapport aux passants. D'abord, il sera annoncé de semaines à l'avance qu'il faudra éviter ce parcours. Ensuite, nous pourrons nous efforcer à faire des barrages filtrants, en profitant pour expliquer notre action aux passants. Ensuite, nous évitons autant Annemasse (le mur humain passerait sur la droite de Moillesulaz directement vers le carrefour d'autoroute d'Etrembières.) que le centre de Genève. Enfin, nous ne bloquerions pas pour bloquer à l'aveugle (pratique par ailleurs souvent utilisée, notamment en France). Nous bloquerions pour tenter d'empêcher la tenue d'une rencontre de terroristes notoires. C'est une démarche citoyenne en diable!

Ce blocage devrait être annoncé comme déterminé, mais bon enfant, joyeux, avec fanfares et esprit de fête.

En tout état de cause, un examen des conditions réelles dans notre région montre que (comme le G8) nous avons avantage - nous sommes même condamnés - à délocaliser, à décentraliser l'événement qui (même à seulement 100,000 personnes et on pourrait être plus!) serait ingérable dans un seul lieu. Une raison de plus pour le scénario de blocage autour d'Evian. Nous avons aussi certainement avantage de rester souples par rapport aux scénarios et de jouer d'un côté ou l'autre de la frontière, selon les développements. Et d'appeler les manifestantEs à venir aussi mobiles que possibles (cars de préférence à train, et un maximum de vélos10, 000 personnes à vélo formeraient une "cavalerie" fort utile et aux allures écolos des plus sympathiques. C'est parfaitement possible si on songe qu'il y avait 4000 collégiens genevois dans la rue la semaine dernière.)

Principes de base

Si le rapport de forces policier et militaire nous interdit d'arriver jusqu'au G8 voire de nous en approcher, il est toutefois un point faible et central du dispositif de nos adversaires: les 10'000 personnes (2500 journalistes et 7500 pour le personnel G8-G28) qui participeront à cettte conférence vont être logées et donc enclavées tout au long du rivage lémanique notamment dans les régions lausannoise et genevoise.

De surcroît, l'idée du gouvernement suisse de tenir une conférence à Lausanne des autorités africaines présentes au G8 détermine un "abacés de fixation" important. Enfin, il n'y aura pas que des autorités du Sud sur la rive lémanique suisse mais également de très nombreuses personnes assurant la logistique et des activités stratégiques du G8 (traducteurs/trices, hautEs fonctionnaires, expertEs, consultantEs). Ces gens arriveront dès le 27-28 mai.

Donc, nous travaillons à partir de deux principes:

1. la lutte ne se fera pas sur Evian mais bien sur toute la région,2. elle ne consistera pas en un manifestation centrale "traîne-savate" mais s'articulera en journées de résistance du 27 mai au 3 juin dont la plus significative devrait se situer le 1er juin, dimanche, à l'ouverture de la conférence.

Enfin, il est entendu que nous ne renonçons pas au principe de faire pression sur le sommet, d'en bloquer des activités, de la délégitimer et de le pousser autant que possible hors de la région. Explicitement, pour nous, cette lutte qui est radicale dans son positionnement et sa volonté ne se situe pas sur le terrain militaire. Elle tentera d'être aussi large, englobante, étendue que possible sur la région faisant le lien entre les luttes et les problèmes des gens et la résistance contre le G8. Nous ne voulons pas d'une activité anti-mondialiste "spécialisée" mais bien d'une lutte sociale générale qui prend appui et prétexte de la réunion du G8.

Les échéances

La mobilisation devrait être construite en trois grands axes (il ne s'agit pas d'étapes à accomplir en ordre chronologiquemais de dimensions qui définissent et structurent la lutte).

a) Dès le 27 mai, début de la mobilisation "G8 malvenue". Avec au centre de notre dispositif deux manifs aussi fortes que possibles, une à Lausanne, l'autre à Genève, plus d'autres actions plus modestes et ponctuelles, nous visons les lieux d'habitation et de vie de gens du G8-G28.Les manifs centrales pourraient par exemple prendre la forme d'une gigantesque partie de cache-cache ("Loup du G8 y es-tu?") à la recherche des gens du sommet. Les hôtels pourraient recevoir un distinctif signalant qu'ils ne logent personne du G8 ou au contraire un autre signalant qu'ils abritent à coup sût ou probablement les indésirables. La probable zon de sécurité de Lausanne (hôtels + zone d'embarquement au lac) pourrait être une première fois investie.

Parallèlement, nous pourrions travailler sur une entreprise de détournement-dérive des espaces urbains (places, parcs, rues) qui seraient utilisées pour exposer du matériel d'info ou d'illustration sur les luttes et ls gens qui ont résisté et résistent à l'ordre du monde. Ces activités pourraient être faites avec l'autorisation ou sans sollicitation de permission de la part des autorités. L'idée est d'étendre, de multiplier l'expression de la contestation et de la dissidence.

En même temps, et l'opération "feu au lac" à la veille de la journée centrale de mobilisation, constituerait une des moments significatifs (espérons non pas le seul) de communauté avec les fêtes et banquets accompagnant et suivant les feux. Le tout mis sous le signe du partage et de la gratuité.

Dans cet ordre d'idées, il faudra veiller à livrer un fort combat politique pour obtenir des moyens des autorités pour pouvoir accueillir des copines-copains de l'étranger qui viendront sans doute nombreux-ses. L'idée du "village" est excellente et à soutenir mais à n'en pas douter, un village risque d'être insuffisant. Il faudra mettre sur pied des bases d'accueil et des centres de convergence à Lausanne et à Genève.

Il faudra également sur toute cette période développer autant d'activités culturelles que possible (concerts, spectacles) ouvertes à la population.

b) Il faudra également travailler à la lutte pour la mobilité et l'ouverture des frontières. Nous verrons plus avant si des manifs d'ouverture des frontières doivent être organisées ou si la journée centrale de résistance de dimanche peut en tenir lieu. D'ores et déjà, des interventions parlementaires sont prévues autant au niveau des parlements nationaux qu'au parlement européen sur cette question. Il faudrait développer cela par des appels pour la liberté de circulation, d'expression et de manifestation, massivement signés et remis aux autorités, avec une bonne politique de communication. Enfin, il faut disposer de groupes rapidement et facilement mobilisables (avec des avocats, personnalités, politiciens-ennes) susceptibles de se porter aux frontières pour faire pression pour le libre passage ou au moins témoigner sur les interdictions de circuler.

c) la journée centrale de résistance.

Quelques idées:

  1. bombardement au bretzel, ou remise solennelle de bretzels aux représentations diplomatiques US ou à de représentations économiques liées à des intérêts de la famille ou du clan Bush,
  2. utilisation massive et coordonnée de miroirs (petits ou plus grands) pour adresser des signes aux habitants-es captifs-ves d'Evian; sur le même principe envoi de messages dans des bouteilles misesà l'eau ou des ballons porteurs de lettres,
  3. envoi massif et coordonné de ballons ronds (dessin du monde avec légende: à ceux qui veulent dominer le monde, le monde répond résistance) vers Evian,
  4. dresser sur la rive lausannoise de messages susceptibles d'être vus, même à la jumelle, depuis Evian,
  5. annonce tout à fait solennelle fait à la presse que nous débarquerons vaile que vaille à Evian avec convocation pour l'échéance où seraient mis à l'eau des petits bateaux avec moteurs et lancées vers Evian (avec un peu de chance, les forces de sécurité les couleront...).

Bien entendu, plein de choses restent à inventer. Le principe pourrait être de crééer un lieu à idées où chacun pourrait exposer les siennes et chercher de l'aide pour les réaliser.

Olivier, APCM

(APCM is a local Genevan group working with the PGA network internationally and the Forum Social Lémanique for the G8)

See also:
http://squat.net/contre-attaque/
http://www.g8circus.org.uk/
http://www.evian-g8.org/


G8 Summit Evian-les-Bains | actions 2003 | www.agp.org (archives) | www.all4all.org