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Occupation de la CRCI de Bourgogne contre le Plan Colombie

Mardi 12 juin 2001 vers 16h45, un groupe d'une cinquantaine d'individu-e-s a convergé vers la CRCI (Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie de Bourgogne), située place des Nations Unies à Dijon. Pendant que quelques personnes montaient sur le toit à l'aide d'une échelle et y déployaient une banderole ("Non au Plan Colombie"), que d'autres occupaient les bureaux de l'Euro Info Centre (relais de la commission européenne en Bourgogne), une seconde banderole de quinze mètres était placée sur le boulevard (on pouvait y lire "Plan Colombie : l'état français et la commission européenne finançent le massacre des populations locales au profit des multinationales"). Le but de l'action était d'une part d'informer la population sur la situation en Colombie et la participation européenne aux massacres y étant perpétrés. D'autre part, nous entendions ainsi signifier à nouveau notre vive opposition aux politiques des gouvernants européens, dont certains se réunissaient au même moment à Freiburg pour un "sommet franco-allemand" visant à préparer le prochain sommet européen de Göteborg en Suède (programmé pour les 14, 15 et 16 juin 2001). Ceci en exigeant de la CRCI l'envoi par fax de nos revendications à diverses instances européennes, et en distrubiant de nombreux tracts aux passant-e-s, automobilistes et employé-e-s du bâtiment.

En raison du refus des responsables de donner suite à nos demandes, l'occupation s'est prolongée pendant plusieurs heures. Des policiers arrivés sur les lieux ont négocié pendant près d'une heure l'évacuation des bureaux, puis du toit, sans succès. Les discussions se sont prolongées par téléphone avec le directeur de la CRCI, qui daigna enfin se déplacer vers 19h. Ayant finalement obtenu des garanties que les fax seraient envoyés, nous avons accepté de sortir du bâtiment, pendant que l'un d'entre nous accompagnait le directeur dans l'exécution diligente de sa tâche. L'occupation prit fin vers 19h30, à la réception des récipissés du Parlement Européen et de la Commission Européenne.

Cette action s'inscrivait dans le cadre d'une campagne de solidarité avec les résistant-e-s colombien-ne-s, menée dans diverses villes du monde depuis le début du mois de juin.

Le fax adressé aux autorités européennes contenait ces revendications:

"PAS UN SEUL EURO POUR UNE POLITIQUE GENOCIDAIRE ! Nous exigeons de l'Union Européenne l'arrêt du financement au profit du gouvernement colombien qui utilise les paramilitaires pour exterminer les populations indigènes et les opposant-e-s à la politique néolibérale et génocidaire.

NOUS EXIGEONS LA PRESENCE D'UNE MISSION DIPLOMATIQUE INTERNATIONALE DES MAINTENANT Nous voulons pouvoir choisir qui fera partie de cette mission diplomatique pour nous assurer de l'objectivité des rapports de recherche. Nous voulons savoir et rapporter la réalité des faits et des exactions commis en terre colombienne.

NOUS PROPOSONS DE TOUTE URGENCE LA CREATION D'UN FOND POUR FINANCER LES PROJETS DES COMMUNAUTES INDIGENES Les difficultés financières et logistiques que rencontrent les communautés indigènes imposent une aide internationale concrète notamment pour créer une infrastructure de communication pour les mouvements sociaux colombiens comme instrument nécessaire de légitime défense et d'information inter-communautaire. L'investissement de quelques millions de francs pour la création de ce type d'infrastructure ne représente rien au vu des budgets engagés dans le conflit par la communauté européenne (350 millions d'euros !).

Nous ne cesserons de harceler les dirigeant-e-s des institutions européennes autant que nationales. En ce jour de sommet franco-allemand, nous tenons à marquer notre opposition aux politiques menées par l'Union Européenne et les États-Unis en Amérique latine."

Ci-dessous, le tract distribué lors de l'occupation (dont une version mise en forme est disponible sur le site oueb de Maloka www.chez.com/maloka - format PDF) :

PLAN COLOMBIE : LA MONDIALISATION À COUPS DE COUTEAU

Nous occupons aujourd'hui la Chambre régionale de Commerce et d'industrie de Bourgogne et les bureaux de l'Euro Info Centre afin de protester contre la décision récente de la France, des autres états européens ainsi que de la Commission européenne de participer à la hauteur de 338 millions d'euros au financement du Plan Colombie. Notre action s'inscrit dans la création d'un mouvement européen d'actions et d'échanges solidaires avec les populations colombiennes et notamment les communautés paysannes autogérées noires (Processus des Communautés Noires) et indigènes.

Le Plan Colombie, c'est quoi ?

Le Plan Colombie est un programme de guerre contre les populations colombiennes agencé par le gouvernement des États-Unis. Celui-ci offre 1,6 milliards de dollars en armement au gouvernement colombien.

Sous prétexte de lutter contre la production de drogues, ce plan s'appuie aussi sur un usage massif d'armes biologiques qui vont s'attaquer à la fertilité des terres et rendre l'agriculture vivrière impossible. Il s'agit de tuer ou de déplacer les populations locales afin de permettre aux seules multi-nationales d'utiliser ces terres pour l'agro-business, le pétrole ou la construction de voies de transit pour les marchandises. On prédit déjà que cela pourrait être le prochain Vietnam, une longue et sale guerre dans tous les pays andins. Car l'enjeu réel est d'écraser les mouvements populaires qui résistent - souvent avec succès - au programme néo-colonial des transnationales en Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie. On veut surtout éradiquer les organisations paysannes, indigènes et noires qui, dans les campagnes, refusent l'expulsion de leurs terres, la destruction de leurs communautés, cultures et environnement, ainsi que les syndicats de citadin-e-s qui refusent les privatisations, la réduction du pouvoir d'achat et des budgets sociaux.

Le plan Colombie vient renforcer les exactions conduites par les paramilitaires, une puissante armée agissant avec la complicité de l'État. Ils s'attaquent quasi exclusivement aux civil-e-s et utilisent la terreur pour chasser les habitant-e-s des terres convoitées (déjà 2 millions de "déplacé-e-s").

Le volet civil du plan est financé par les pays européens. Il participe directement à ce processus planifié de déplacement des populations tout en se targuant cyniquement d'humanitarisme. Il prévoit en effet des camps où parquer les réfugié-e-s et le recyclage d'une partie des paysan-ne-s en travailleurs et travailleuses sans terre exploité-e-s sur les plantations des multinationales. Les autres iront grossir les bidonvilles.

La situation actuelle en Colombie

Parfaitement coordonnée avec le début du "Plan Columbia", la violence paramilitaire explose dans tout le pays. L'année dernière, on comptait déjà presque dix morts par jour. A présent, les massacres se multiplient en nombre et en gravité : le dernier n'a pas fait des dizaines, mais des centaines de victimes. Pourquoi ? Parce que beaucoup de paysan-ne-s, d'indigènes et de communautés afro-américaines s'accrochent à leurs terres et à des modes de vie communautaires en marge du marché. Pour les responsables du "développement" il y a trop de paysan-ne-s ! Le "progrès" demande la concentration des terres par les multinationales de l'agro-exportation... Les plantations de bananes Chiquita, de fleurs, etc., doivent remplacer l'agriculture destinée à la population locale.

Ce "progrès" requiert l'expulsion des indigènes pour faire place aux pétroliers et à des barrages ; l'expulsion des communautés noires au profit de la construction d'un nouveau canal transocéanique et de la plantation de palme ; le déplacement de paysan-ne-s pour creuser des mines d'or ou de charbon à ciel ouvert - le tout financé par Citibank, Bank of America, etc. La pression économique n'étant pas suffisante, les nouveaux Conquistadores recourent à l'ancienne méthode: les massacres. Chiquita et British Petroleum ont été parmi les premiers à financer des paramilitaires, aujourd'hui au nombre de 30'000.

Chaque fois se répète le même scénario sinistre. L'armée débarque dans un territoire convoité, prétextant le passage de guérillas dans la région et désarme les paysan-ne-s. Elle dit clairement aux gens que les paramilitaires les suivront pour "nettoyer" la zone. Ceux-ci se présentent ensuite, le plus souvent en annonçant tout simplement qu'ils tueront tou-te-s les habitant-e-s encore là après tant de jours. Les organisations de défense des droits humains, les églises, etc. alertent la police, l'armée, la présidence et l'ONU. RIEN. Puis, les paramilitaires arrivent et massacrent. Les habitant-e-s fuient par centaines ou par milliers. Les paramilitaires repartis, l'armée repasse ramasser quelques cadavres& histoire d'avoir l'air de faire quelque chose.

Ainsi, on avait compté plus de 200 morts ces derniers mois rien que dans le Cauca (côte Pacifique). Mais à présent les "paracos" passent la deuxième. Pendant Pâques, ils sont arrivés sur le Rio Naya, tuant près de 300 personnes, dans 25 localités. Certaines ont été découpées vivantes à la tronçonneuse, car il ne s'agit pas seulement de tuer, mais surtout de terroriser - pour évacuer les terres.

Le chef des paramilitaires, Carlos Castaños, a revendiqué ce massacre.

L'armée s'est d'abord contentée de déclarer que la situation dans la région était calme, "hormis quelques affrontements entre groupes armés". La solution finale de la question paysanne est ainsi planifiée. En démocratie (néo-libérale), on se doit de privatiser les massacres. Mais personne n'est dupe. A Buenaventura, la plus grande ville de la côte, les paramilitaires patrouillent les faubourgs, liste de proies en main. Près de la base navale, des corps de Noirs pendent des arbres jusqu'à ce qu'ils se décomposent et tombent dans l'eau.

En quittant Rio Naya, les paramilitaires avaient annoncé de prochaines victimes. En effet, le 29 avril, ils ont exécuté sept personnes à la hache à El Firme, et ordonné aux gens des Rios Raposo et Yurumangui de quitter leurs terres. Nous connaissons personnellement les leaders de ces communautés, qui étaient en Europe pour la mobilisation contre le Forum Économique Mondial de Davos en février dernier. D'autres massacres sont annoncés dans différentes régions du pays.

Dans la lutte contre le Plan Colombie, il est clair qu'il ne s'agit pas de droits humains dans leur seul sens de droits individuels à la vie. Il s'agit aussi de droits collectifs : le droit à la terre et à l'eau, le droit de choisir une autre organisation sociale, le droit de vivre simplement de son environnement sans le détruire, le droit à d'autres valeurs et modes de vie que ceux imposés par les dominants. Le Columbia Plan vise très clairement à imposer un modèle agro-industriel "moderne" en provoquant un exode rural. Il y a déjà plus de deux millions de déplacé-e-s en Colombie et des dizaines de milliers de morts. Qui plus est, le Plan Columbia s'étend maintenant à l'Équateur et à la Bolivie où, depuis deux ans, des insurrections massives ont bloqué la politique de la Banque Mondiale et du FMI. Les états de siège se succèdent et, là aussi, les tueurs paramilitaires font leur apparition.

Là où elles rencontrent de la résistance, les transnationales utilisent la force. La résistance des mouvements paysans est essentielle à la lutte contre le capitalisme. Les petit-e-s paysan-ne-s représentent aujourd'hui encore près de la moitié de la population mondiale et continuent de garantir une certaine autonomie des populations face aux entreprises globales, dont un des objectifs est de se rendre indispensables. Nous devons empêcher ces prises de contrôle des capitalistes, et soutenir les mouvements du Sud en engageant un bras de fer - ici et maintenant - avec les gouvernements et les entreprises responsables de ces massacres.

Maloka - Collectif d'action contre le Plan Colombie

Maloka
http://www.chez.com/maloka


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