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L'arc-en-ciel altermondialiste s'est retrouvé à Genève
Paru le Lundi 17 Octobre 2005 • www.lecourrier.ch

OMC - Plus de 2000 personnes ont lancé samedi la semaine d'actions contre un nouvel accord de «libre-échange» à l'OMC en défilant dans les rues de Genève.

Déterminée, colorée et surtout internationale. Grâce à une forte participation des mouvements sociaux français, Genève a retrouvé samedi ses accents altermondialistes. Sous un soleil radieux, plus de 2000 personnes - 3000, selon les organisateurs - ont battu le pavé pour dénoncer le nouvel accord en gestation au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Une manif joyeuse et sans incident, en forme de tour de chauffe à la veille du Conseil général de l'OMC qui se tiendra de mercredi à vendredi à la rue de Lausanne. Bien que satisfaits de la mobilisation, les organisateurs n'ont pas caché leur inquiétude au terme du défilé. «Plusieurs observateurs d'ONG nous ont dit que les négociations avaient énormément progressé ces derniers jours», s'alarme Olivier de Marcellus. L'activiste de l'Alliance genevoise des peuples (AGP) lance un appel solennel aux Genevois pour qu'ils rejoignent les dizaines de militants du Sud qui se relaieront, dès mercredi, devant les grilles de l'OMC1. L'objectif étant, en particulier, de soutenir les délégués du Sud à l'OMC rétifs à l'accord que cherchent à imposer le directeur général Pascal Lamy, les grandes puissances et les multinationales.

«Tous dans la même bagarre»

Samedi, divers orateurs ont rappelé le caractère global du marchandage en cours qui lie libéralisation du marché agricole, des échanges industriels et du commerce des services. Un accord dont les seuls bénéficiaires seront les grands trusts internationaux, selon le militant d'Attac Alessandro Pelizzari, puisqu'il leur permettrait à la fois «de forcer la porte des marchés du Sud, d'intensifier l'exploitation des travailleurs et de s'accaparer les services publics». «Etre ici, ce n'est pas être solidaire avec les spoliés du Sud, non! Nous sommes tous dans la même bagarre, nous avons tous beaucoup à perdre avec l'OMC», ajoute Iara Pietricovsky, de l'Institut d'études socioéconomiques (INESC).

Comme en écho aux propos enflammés du Suisse et de la Brésilienne, l'arc-en-ciel de l'altermondialisme s'était donné rendez-vous samedi à Genève. Aux drapeaux verts de Greenpeace, noir des anarchistes, jaunes d'Oxfam et de la Confédération paysanne répondaient les étendards rouges d'Attac, des syndicats et des partis de gauche.

Plus inattendue, la banderole - blanche - du Conseil oecuménique des Eglises. «Nos membres sont très présents sur le terrain: ils sont bien placées pour voir les résultats concrets des politiques de l'OMC», explique Michael Kuhn, responsable du Mouvement luthérien international. Ainsi le cas d'Haïti, «où la production agricole locale est de plus en plus marginalisée sous l'effet des importations massives en provenance des pays développés», relève-t-il.

«Fausse compétition»

L'arc-en-ciel est aussi international. «Nous sommes venus à quarante, de toutes les communautés espagnoles», souligne fièrement l'Aragonaise Mar Rodriguez. La militante d'Oxfam est là pour la manif, bien sûr, mais aussi pour rencontrer l'ambassadeur espagnol à l'OMC: «Nous lui dirons que cet accord va renforcer le caractère injuste du commerce international.»

Venu exprès de Vérone avec un camarade, l'agriculteur Francesco Bencciolini craint, de son côté, la mort de millions de petites et moyennes exploitations, incapables de régater avec l'agro-industrie. «C'est une fausse compétition que l'on nous prépare, car elle est totalement inégale», explique le représentant de l'Association rurale italienne (ARI).

Un constat confirmé, sur l'estrade, par des agriculteurs français, bolivien, philippin, coréen et même suédois. «Après dix ans d'OMC, que voit-on? Que les problèmes sociaux et environnementaux ne cessent de s'aggraver!» affirme Ingeborg Tangeraas, pour le réseau Via Campesina.

Bolkestein revient par l'OMC

Bien représenté également, le mouvement syndical n'est pas le moins inquiet. Membre du secrétariat central d'Unia, Jacques Robert estime que le projet d'accord aurait un énorme impact sur les travailleurs. Symbole de la dérégulation, selon le syndicaliste genevois: la directive européenne «Bolkestein» - suspendue sous la pression de la France - qui préconise d'appliquer le droit du travail en vigueur dans le pays d'origine des entreprises prestataires de service et non pas la législation du pays où ce service est exécuté. «Ce serait bien sûr la porte ouverte au pire dumping salarial», prévient Jacques Robert.

Et l'OMC dans tout ça? Eh bien «le point 4 de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) en discussion à l'OMC ressemble comme un frère à la directive Bolkestein», avertit la Française Sophie Zafari. Ce qui fait dire à l'enseignante syndicaliste: «Avec l'OMC, on essaie de faire entrer par la fenêtre les politiques libérales que nous avons chassées par la porte!» I

Note : 1 Mercredi 19 octobre, dès 17 h 30: manif durant l'ouverture du Conseil général. Jeudi et vendredi, de 9 h à 18 h: piquets d'accueil.

A noter parmi les activités des mouvements sociaux cette semaine à Genève, la journée de débat, mardi, sur l'avenir du mouvement altermondialiste au COE (150, route de Ferney, dès 9 h).

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