Les députés déçus par des réponses minimalistes
Paru le : 14 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_509.htm

APRÈS-G8 · Les interpellations déposées au Grand Conseil genevois ont reçu hier des réponses courtes ne satisfaisant pas vraiment leurs auteurs.

MICHEL SCHWERI

Mis à part quelques applaudissements, sur la gauche du Parlement genevois, et quelques railleries, lancées par la droite, le Grand Conseil a écouté, hier soir, assez sagement les réponses du gouvernement à la dizaine d'interpellations urgentes déposées jeudi soir dans le cours du débat sur le G8 et des saccages collatéraux. Chaque question a reçu un début de réponse, le règlement limitant le temps de réplique à trois minutes. « Par gros temps, le capitaine ne lâche pas la barre », a ainsi rétorqué le président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, à l'Union démocratique du centre, laquelle ne demandait rien de moins que la démission de l'Exécutif.

« Ce serait faire trop d'honneur à quelques casseurs de démettre un gouvernement démocratiquement élu suite à des bris de vitrines », a-t-il rapidement conclu sur une demande manifestement loufoque. Poursuivant dans le domaine de l'Etat de droit, il a aussi « rassuré » l'Alliance de gauche, en certifiant que l'arrêté du 5 juin interdisant tout rassemblement sur le territoire genevois est désormais « caduc ». Cette décision avait été prise de manière « circonstancielle », en raison de la convocation de la manifestation du vendredi soir par le Forum social lémanique, a expliqué le président de l'Exécutif.

POLICE DANS LE COLLIMATEUR

Ce dernier a toutefois profité de l'occasion pour réaffirmer le « régime ordinaire » dans l'organisation de manifestations, à savoir l'obligation de demander une « autorisation préalable ». Une exigence à rapprocher de la déclaration prononcée la veille par Micheline Spoerri, ministre de justice et police. Elle y avait averti que le Conseil d'Etat se montrerait « particulièrement strict » dans ce domaine, « de sorte qu'aucune manifestation ne puisse avoir lieu si elle n'a pas été autorisée ».

Le gros des questions soulevées par les partis de l'Alternative traitaient du dispositif policier lors des soirées de casse et de la répression de manifestations. La conseillère d'Etat y a répondu dans le détail, soutenant la stratégie déployée par la police dès le premier « raid » très rapide de 25 minutes du samedi 31 mai dans la nuit.

FONCTIONNAIRES DÉFENDUS

Par la suite, la tactique policière a été adaptée en engageant des « petites unités mobiles de police judiciaire » agissant sous la protection de policiers en tenue anti-émeute.

Quant à la descente policière du dimanche à l'Usine, ce lieu culturel alternatif très connu, elle a bien été ordonnée par le Procureur général Daniel Zappelli, où les « troubles alentours démontraient que des casseurs s'y trouvaient », a poursuivi en substance la ministre libérale.

Des interpellations déposées visaient aussi des personnes. Ainsi, Charles Beer, chef du Département de l'instruction publique, a du justifier sa présence sur le pont du Mont-Blanc le lundi soir, quand la police y bloquait quelques centaines de manifestants. Il s'est défendu d'avoir donné des ordres à la police, mais a « accompagné » les officiers pour trouver une issue à la situation. Il s'est félicité d'y être parvenu sans blessés, ni dégâts matériels.

Olivier de Marcellus et Eric Decarro, militants du Forum social lémanique et fonctionnaires, ont aussi été pris à partie par la droite. Une demande de dénonciation pénale concernant le premier pour incitation à la violence a fait long feu. Charles Beer en a renvoyé la responsabilité au Procureur général, ce délit étant poursuivi d'office. « Si la gravité des faits est celle que vous décrivez, a rétorqué le magistrat, le procureur fera quelque chose. » En revanche, il a annoncé un réexamen de la portée du devoir de réserve des fonctionnaires en lieu avec l'activité de ces deux personnes.

De même, Micheline Spoerri a défendu « ses » employés. Les déclarations du président d'un syndicat policier ont été faites « en tant que syndicaliste » et non comme fonctionnaire, a-t-elle justifié. Elle ne veut pas non plus condamner les efforts de transparence dans l'information donnée par le chef de la police, Christian Cudré-Mauroux.

Une commission d'enquête extraparlementaire

La foire d'empoigne a repris au sein du Grand Conseil genevois dès la poursuite des débats, hier à 21 h, sur les dégâts collatéraux que Genève a subi en marge du sommet des chefs des huit Etats les plus influents du monde à Evian. Les deux premières motions - sur neuf textes soumis - ont donné lieu à un échange gauche/droite faisant monter la température politique. Il s'agissait de décider de la forme d'une instance devant mener une enquête impartiale sur les événements genevois. Les socialistes proposaient une commission parlementaire à large champs d'investigation, les radicaux voulaient la même chose, mais avec un spectre plus restreint, et le gouvernement a suggéré la mise en route d'une commission extraparlementaire. La discussion d'amendements croisés - des socialistes pour élargir la motion radicale, des libéraux pour reprendre le contenu de cette dernière en la sortant du giron parlementaire, des démocrates-chrétiens et des démocrates du centre - a donné lieu à une très grande heure de controverse. Le ralliement des forces centristes à l'option extraparlementaire donnait le ton dès 22 h par 84 oui et 2 non. Restait alors à décider qui nommerait ladite commission, le gouvernement, le Grand Conseil ou son bureau. Après huit votes (sur deux motions), il est ressorti qu'une « concertation » entre le bureau du Législatif et le Conseil d'Etat sera nécessaire pour fixer la composition de la commission. MSi


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