Match nul entre l'Etat et les altermondialistes (07/06/2003)
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La police a été plus souple qu'elle ne l'avait annoncé et n'a ordonné la dispersion qu'à 18h25.

GUSTAVO KUHN

Le Forum social lémanique (FSL) a sauvé la face, hier soir à Plainpalais. Avec l'aide de la police qui a été plus souple qu'elle ne l'avait annoncé et qui a agi avec proportionnalité. Près de 200personnes se sont rassemblées, à 18h, autour de la pierre commémorative de la sanglante répression de novembre 1932. Ceci, malgré l'annonce d'annulation de la manifestation qu'avait fait circuler le FSL dans l'après-midi.

Cette décision faisait elle-même suite à l'arrêté du Conseil d'Etat interdisant "la manifestation ainsi que tout rassemblement en ville de Genève." Une demi-heure après le rendez-vous, les altermondialistes étaient près de 400 à quitter la plaine de Plainpalais en direction de la salle du Faubourg où ils ont tenu une assemblée populaire.

Bâillons symboliques

Pour symboliser leur opposition à l'interdiction de manifester, beaucoup d'entre eux portaient un bâillon symbolique ou avaient la bouche fermée par de la bande adhésive. "C'est un beau rassemblement, s'est félicité Juan Tortosa, du FSL. Nous avons défilé en défiant les autorités pour défendre le droit d'expression. Et cela sans la moindre violence."

Avant de partir, les altermondialistes ont fait passer leur message par mégaphone. "Nous renonçons à la manifestation car nous ne voulons pas de confrontation avec la police, a annoncé Eric Decarro. Mais nous avons maintenu le rassemblement en ce lieu symbolique pour protester contre cette grave atteinte aux droits démocratiques fondamentaux." Le président du Syndicat des services publics a expliqué que c'était la première fois que de telles mesures "liberticides" étaient prises depuis la Seconde Guerre mondiale.

Il a également rappelé que la manifestation était convoquée pour protester contre "la violence policière exercée contre les manifestants, les citoyens, les journalistes et les membres des legal teams". La descente de police à l'Usine, effectuée dimanche soir par des inspecteurs déguisés en casseurs, a également été conspuée. Mais pas autant que la conseillère d'Etat Micheline Spoerri dont les manifestants demandaient la démission. La libérale est fortement critiquée pour "sa gestion désastreuse des événements" et parce qu'elle a "visiblement perdu le contrôle de la situation".

Alors qu'ils avaient initialement annoncé une tolérance de dix minutes, deux policiers ont attendu 18h25 pour prier les manifestants réunis de suivre l'appel du FSL leur demandant de rejoindre par petits groupes le quartier de Saint-Gervais. Ils ont également affirmé que dans le cas contraire, le rassemblement serait dispersé. Pendant ce temps, derrière eux, une trentaine de leurs collègues prenaient place en tenue d'intervention.

Cortège très calme

En réponse à la menace, les manifestants ont protesté et ont traîné leurs baskets, dont beaucoup étaient frappées de trois bandes célèbres et très peu altermondialistes. Pour les faire accélérer, les policiers ont avancé quelques dizaines de mètres pendant que les membres du FSL demandaient aux manifestants de s'activer. Le cortège s'est ensuite élancé dans le plus grand calme jusqu'à la salle du Faubourg qu'il a rejoint en empruntant soigneusement les trottoirs. Là, les inévitables LeGroupe attendaient les altermondialistes en musique.


La manif d'hier soir reportée à samedi 14

SOPHIE DAVARIS

Peu après 19h, les manifestants se sont installés en cercle dans la salle du Faubourg, où ils ont pris le micro à tour de rôle devant un auditoire souvent exalté. Lorsque certains suggèrent à deux ou trois reprises de redescendre dans la rue immédiatement, ils sont vivement applaudis. Mais les cadres du Forum social lémanique reprennent le micro pour appeler plutôt à une grande manifestation samedi 14.

"Nous continuerons notre action jusqu'au rétablissement de la démocratie", martèle Eric Decarro du Forum social lémanique. Le bâillon qui symbolise l'entrave à la liberté d'expression retombe sur son polo bleu roi, marqué du célèbre petit crocodile. "On nous a virés de la rue, d'un lieu qui nous appartient, lance un jeune homme. Qu'est-ce qui justifie qu'on nous interdise de manifester? On doit se mobiliser contre ce qui s'est passé aujourd'hui!" Lui succède un autre jeune homme qui se présente comme un membre du mouvement Génération Europe. Mettant en garde contre l'emploi de la violence, il appelle à la résistance passive et à une "stratégie plus constructive". Selon lui, "le G8 est partout!" et il faut se mobiliser dans la vie quotidienne. Un vieux monsieur évoque ensuite son engagement dans la guerre d'Espagne et appelle à rester "toujours mobilisés", ce qui déchaîne applaudissements et vivats.

Vers 20h15, Juan Tortosa semble rassénéré par la tournure des événements. "La nuit dernière, nous avons beaucoup hésité avant de prendre cette décision. Ce soir, c'est une belle victoire: nous avons enfin créé un dialogue." Aux alentours de 21h, le rassemblement se disperse, sur quelques notes de musique. Rendez-vous est pris mercredi, à 20h, à la Maison des Associations, pour préparer la prochaine mobilisation.


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