Manif interdite. Bras de fer entre l'Etat et le Forum social lémanique (06/06/2003)
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Photo Pascal Frautschi

Malgré l'interdiction du Conseil d'Etat, le FSL maintient son appel au rassemblement d'aujourd'hui.

MARC LALIVE D'ÉPINAY

En dépit de l'interdiction de manifester édictée hier soir par le Conseil d'Etat, le Forum social lémanique (FSL) a décidé de maintenir son appel au rassemblement prévu aujourd'hui à 18 heures sur la plaine de Plainpalais. Par cette démonstration, le FSL entend dénoncer "les entraves à la liberté d'expression et les violences policières, demander la démission de Micheline Spoerri et s'élever contre les atteintes aux droits de la personne humaine", explique Pierre Vanek. Nous nous réunirons autour de la pierre commémorant les victimes du 9 novembre 1932." Pourtant, au nom du Conseil d'Etat, le chancelier Robert Hensler a stipulé jeudi au FSL que toute manifestation ou rassemblement sur l'ensemble du territoire de la République et canton de Genève est interdite et ce, avec effet immédiat.

"La police devra faire son travail en cas de rassemblement", prévient le chancelier. Les forces de l'ordre seront présentes sur les lieux pour assurer la sécurité et devront disperser la manifestation. "Mais j'espère que l'appel au calme lancé à la population sera entendu", conclut Robert Hensler. Surpris de cette interdiction, Pierre Vanek explique "qu'en l'état, la manifestation pacifique est toujours convoquée. Je suis persuadé que le dialogue est toujours possible avec la police, pour que tout ce passe correctement."

"Tolérance zéro"

Dès l'appel du FSL à manifester, les Verts genevois ont décidé de ne pas y participer. Ils ne jugent pas "souhaitable ce rassemblement sur la voie publique, au vu des événements que notre ville a vécu ce week-end". Ils estiment que la population comprendrait mal des perturbations supplémentaires. De plus, les Verts ne demandent pas la démission de Micheline Spoerri. S'ils se disent "très critiques à l'égard de la conseillère d'Etat", ils considèrent qu'il faut commencer par tirer un bilan général des événements avant de vouloir établir les responsabilités de chacun. Si le Forum social lémanique a décidé de convoquer ce rassemblement, c'est parce qu'il entend à nouveau dénoncer "des exactions commises par la police lors de la manifestation pacifique de mardi soir". Rappelons qu'au cours de cette manifestation vespérale, les forces de l'ordre avaient matraqué, gazé et blessé des manifestants, des badauds ainsi que des observateurs du Legal Team (LT). Des journalistes pourtant clairement identifiés comme tel avaient aussi fait les frais de ces interventions en force. "La police s'est complètement autonomisée du pouvoir politique, s'indigne Eric Decarro, du FSL. C'est intolérable! Nous demandons que le Conseil d'Etat reprenne en main ses troupes."

Legal Team menacé

Même si le Conseil d'Etat et le procureur général avaient interdit tout rassemblement sur le territoire genevois, la plupart des manifestants présents à la place Neuve puis au boulevard Carl-Vogt, l'ignoraient, affirme Eric Decarro. "L'interdiction n'a été annoncée qu'une heure avant la manifestation". Selon Stéphanie Lammar, du LT, cette décision "porte atteinte à la liberté fondamentale de réunion".

En outre, pour le FSL rien ne justifie "ce déferlement de violence sur des citoyens, femmes et adolescents compris". Le Forum social lémanique accuse aussi les forces de l'ordre d'avoir menacé à plusieurs reprises des membres du Legal Team, observateurs pourtant dûment agréés par le Conseil d'Etat et la police. Mardi soir, toujours selon le FSL, les policiers ont tiré à bout portant des balles en caoutchouc sur ces mêmes avocats du Legal Team.


La Ville de Genève appelle au calme

LAURENCE BÉZAGUET

"Autorités, policiers, habitants et manifestants altermondialistes... Tout le monde en a assez! Il est temps de tirer les leçons des événements liés au G8 et la rue n'est pas l'endroit le plus adéquat pour cela", considère le maire de la Ville de Genève, Christian Ferrazino. Ainsi le magistrat de l'Alliance de gauche a-t-il adressé hier, au nom du Conseil administratif (qui compte, rappelons-le, quatre élus de gauche), un appel au Forum social lémanique (FSL) pour l'inciter à renoncer à la manifestation "contre-productive" convoquée ce soir.

"Les autorités de la Ville de Genève ont voulu que celle-ci fasse partie des "villes de Paix". A ce titre, le Conseil administratif ne peut que déplorer en les condamnant les actes de violence inexcusables commis dans notre cité ainsi que les bavures relevant des forces de l'ordre qui, à leur décharge, ont souffert des dysfonctionnements évidents provenant de la conduite des opérations", écrit le Conseil exécutif au FSL. Après ces événements, le Conseil administratif est "convaincu que les habitantes et les habitants de notre ville aspirent à une légitime tranquillité et à une réflexion sereine sur ce qui s'est passé". Tout en respectant le droit fondamental que constitue la liberté d'expression, l'Exécutif considère que "ce débat ne peut, dans les circonstances actuelles, se poursuivre dans la rue et doit s'inscrire dans un autre cadre."


éditorial

Provocation

DOMINIQUE VON BURG

Cette fois, le Forum social lémanique dépasse la mesure. Il prend les gens pour des imbéciles. Oser prétendre, après les jours que nous avons connus, que la liberté d'expression est menacée, c'est de la provocation. Ni plus ni moins.

On peut être critique à l'égard du Gouvernement et de la police, nous l'avons été à l'occasion. Mais il faut reconnaître que, conformément à un vote juste et courageux du Grand Conseil, la liberté d'expression a été pleinement garantie à Genève. Il faut admettre aussi que le Conseil d'Etat et le procureur général ont pris une mesure de maintien de l'ordre légitime en décrétant, mardi, qu'il fallait mettre fin à l'épidémie de rassemblements perturbateurs.

Beaucoup de Genevois ont souffert très directement des conséquences du G8. Les commerçants, les contribuables également, vont passer à la caisse. Un ras-le-bol compréhensible se fait sentir. Mais dans leur majorité, pour autant qu'on puisse en juger, les citoyens restent sur une image positive de la grande manifestation de dimanche. Protestataires et policiers ayant oeuvré en bonne intelligence, le débat autour de la mondialisation a pu avoir lieu.

Si le FSL maintient son idée de nouveau rassemblement, il risque de perdre le bénéfice de son action. Et tout ça pour quoi? Pour satisfaire à des raisonnements idéologiques déconnectés de la réalité. Plus mesquin encore, pour faire de la récupération politique à bon marché.

A moins qu'on ne se soit trompé sur le vrai visage du FSL...


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