Emeutes: l'absence de Spoerri attise la polémique (05/06/2003)
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Photo Pascal Frautschi

Peu visible, pendant les manifestations, le Conseil d'Etat a aussi eu de la peine à communiquer.

VALÉRIE DUBY

On l'a appris hier. Mercredi à midi, le Conseil d'Etat in corpore a déjeuné à la terrasse du Café de l'Hôtel-de-Ville. Ce que l'on ignore, c'est si la soupe à la grimace était au menu... En tout cas, au point de presse du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot a joué la carte de la solidarité. "S'il y a eu des divergences dans l'épisode du pont du Mont-Blanc, il s'agissait de divergences d'appréciation et non de fond. En tout cas pas d'une crise. Si un Gouvernement devait être paralysé pour cela, alors beaucoup ne fonctionneraient pas aujourd'hui."

Critiqué pour son manque de visibilité pendant les événements du week-end et des jours qui ont suivi, le Conseil d'Etat, via son président, a tenu à préciser qu'il n'était pas parti jouer au golf ces derniers jours... "Nous nous sommes réunis dimanche après-midi à deux reprises. Une fois avec les membres du Gouvernement, une seconde avec le Conseil administratif." Depuis les événements de lundi et la déclaration de Micheline Spoerri (photo), indiquant que sa place était au bureau plutôt que sur le terrain, la polémique enfle. Elle concerne aussi bien la présence ou l'absence de membres de l'Exécutif cantonal sur le terrain que la difficile communication qui a régné au cours des événements. D'ailleurs, Laurent Moutinot a indiqué hier que le Gouvernement allait plancher sur la création d'un système centralisé à la Chancellerie qui informerait par SMS les conseillers d'Etat. Il y a donc bel et bien eu des difficultés de communications. "Actuellement, le seul moyen de nous joindre, ce sont les téléphones. Mais le temps que tous les membres du Conseil d'Etat soient avertis, il faut bien une demi-heure", indique Laurent Moutinot.

Spoerri au front?

Le plus critique à l'égard de Micheline Spoerri est sans conteste le socialiste Christian Brunier. Celui qui était également observateur parlementaire continue à demander la démission de la magistrate libérale. Micheline Spoerri a beau posséder deux téléphones, elle semble particulièrement difficile à joindre... "Je me trouvais sur le pont, j'ai assisté à tous les épisodes. Nous avons tenté d'appeler Madame Spoerri à trois reprises. Un officier de police a répondu sur son portable à deux reprises. La troisième fois, le téléphone était sur messagerie. Je tiens à préciser que Charles Beer n'a jamais donné d'ordre à la police!"

Egalement sur le pont, lundi, l'écologiste Antonio Hodgers se remet du deuxième coup qui lui a été asséné sur la joue droite, mardi soir. Pour lui, la présence de Micheline Spoerri sur le terrain aurait permis de mieux apprécier la situation. "Comme Charles Beer, elle aurait vu que les manifestants étaient pacifistes. La présidente du DJPS, de par sa culture politique, n'y connaît rien aux manifs!"

Plus nuancé, le député et conseiller national de l'Alliance de gauche, Christian Grobet analyse: "Chacun a sa méthode évidemment. Fallait-il aller au front? La question est délicate. Je pense que Micheline Spoerri aurait peut-être pu se rendre dans le fourgon du poste de commandement (PC) présent sur le terrain. De là, elle aurait pu discuter directement avec les différents protagonistes."

La pression de la rue

Dans les rangs de la droite, sans doute plus aguerrie aux stratégies militaires, on comprend visiblement mieux l'attitude de la libérale. "Chacun sa compétence!, estime le député libéral Christian Lüscher. Un parlementaire doit se trouver au Parlement. Et un conseiller d'Etat a son bureau. Je suis outré par le comportement de la gauche qui s'est moquée de la police. La même gauche, de par sa naïveté, a permis à des casseurs de se retrouver au sein de ses troupes." Gilbert Catelain, membre de l'UDC, sait que de se trouver dans un PC, avec ces conseillers, permet de travailler avec tous les éléments sans la pression de la rue.

Le président du PDC, Mario Cavaleri, lui, n'ignore pas que dans la stratégie militaire, ceux qui commandent ne sont pas directement sur le front. "Mais peut-être bien que lors d'un événement d'une telle importance, vaut-il mieux être sur le terrain pour apprécier la situation?" Enfin, le radical Thomas Büchi, déplore la présence de Charles Beer sur les lieux de la manifestation. "Il n'avait rien à y faire. Peut-être bien toutefois que la présence de Micheline Spoerri aurait eu un effet positif."


éditorial

Quand la police inquiète

CÉDRIC WAELTI

Avant le G8, beaucoup craignaient le pire. Malheureusement, il est arrivé. Matériellement, mais aussi politiquement. Ainsi outre la casse insensée qui a terni l'image du mouvement altermondialiste, la gestion des manifestations par les autorités ne restera pas gravée dans la pierre de l'Hôtel de Ville.

Théoriquement, la police devait "casser les casseurs", disperser les badauds et interpeller les coupables. Or pendant ces trois jours d'émeutes, la police a surtout réussi à "casser les badauds" et disperser les casseurs. Quant aux personnes interpellées, on attend encore de connaître leur vrai degré de responsabilité.

Rarement les Genevois n'auront été aussi peu en sécurité que pendant ce G8. Et ce malgré des effectifs policiers et militaires extrêmement importants. Devant la pluie de critiques qui s'est abattue et afin de masquer les errances politiques de Micheline Spoerri dans la gestion des émeutes, le Conseil d'Etat a décidé, mardi vers 16heures, d'interdire tout rassemblement. Cette décision n'avait pas seulement un côté ubuesque, étant donné qu'elle arrivait de toute manière beaucoup trop tard dans le déroulé des événements, elle a aussi été dangereusement contre-productive. Contrainte à la passivité avec les casseurs samedi, la police, excédée, a fini par se défouler trois jours plus tard sur de simples citoyens. Avec stupeur, ceux-ci ont pu découvrir la dangerosité d'une police qui revendiquait un mode d'action sans "contrôle politique". Une aberration dans un système démocratique. La police, comme n'importe quelle autre administration, ne saurait s'exonérer de la surveillance des élus du peuple. Encore faut-il que ceux-ci soient à la hauteur de cette tâche.


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