Les clameurs de la rue vont déranger le Grand Conseil
Paru le : 5 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_472.htm

CASSES · L'ordre du jour du Grand Conseil genevois risque d'être blackboulé par les multiples interventions concernant la gestion des événements violents de ce week-end.

MICHEL SCHWERI

Y'a comme un grand « coup de froid » dans les relations entre la gauche et la droite genevoises depuis les casses de samedi soir et les pillages nocturnes en centre-ville. Les séances de commissions du Grand Conseil sont « un peu crispées », témoigne le socialiste Alain Charbonnier. Et le président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, imagine que la prochaine session du Législatif « va être animée ». Car les événements qui se déroulent dans la République depuis ce week-end risquent bien d'en chambouler l'ordre du jour. De fait, la majorité des caucus des partis politiques se tiendront lundi et mardi prochains et devraient décider des interpellations urgentes qui vont certainement pleuvoir sur le gouvernement.

Dont les réponses risquent de frustrer de nombreux députés. Hier, M. Moutinot a en effet annoncé que le Conseil d'Etat se donnait environ quinze jours pour effectuer le « débriefing » des événements. Dans un premier temps, un « journal exact » des faits devra être dressé à la minute près, afin d'identifier les problèmes puis d'analyser les lacunes. Il risque donc de ne pas disposer d'éléments tangibles pour répondre aux questions des députés. Si ce n'est un manque de communication rapide entre les ministres, a déjà reconnu M. Moutinot. Pour y remédier, un système centralisé d'informations par SMS est à l'essai... depuis mardi soir.

DÉMISSION EN BLOC?

Dans cette quête de la vérité, le rapport des trente observateurs parlementaires déployés sur le terrain jour et nuit pourra être précieux. Si cela constitue un recueil de « faits bruts » indiscutables, il faudra ensuite « en tirer des conclusions », dit Alain Charbonnier. Tout cela sur fond d'exigence de démission de Micheline Spoerri, ministre de Justice et police, exprimée par une partie de la gauche.

« Tant que nous n'aurons pas le détail des événements, nous la soutenons », rétorque le démocrate-chrétien Luc Barthassat. Il espère pourtant bien obtenir une « déclaration » de sa part avant deux semaines, et qu'elle s'explique sur ses directives. Car s'il ne craint pas les « engueulées » au Grand Conseil, l'élu pense surtout devoir des explications « aux gens » qui « attendent les autorités au contour ».

Le libéral Bernard Annen lance, lui, un « appel au calme ». Les députés et l'Exécutif doivent prioritairement « rétablir la confiance » dans le canton pour « mener un débat de fond » sur les vrais problèmes révélés par ces nuits. Il ne trouve ainsi pas intéressant de « distribuer des mauvais carnets », mais souhaite que « chacun dise ce qu'il a à dire afin de prendre de la distance et de repenser les choses ». Pourtant, si la gauche persiste à demander la tête de Micheline Spoerri, il y répondra par l'absurde en réclamant la démission de Laurent Moutinot et de Robert Cramer, et même de l'ensemble du gouvernement, car « on ne les a pas beaucoup vus sur le terrain ».

Au-delà des problèmes de personnes donc, le libéral voit des manques structurels à la police. Il imagine ainsi la création d'un « peloton de police » spécialisé pour répondre aux émeutiers qui ont sévi en ville, lequel pourrait être déployé à Zurich, Lausanne, Davos ou Genève. Jacques Jeannerat, député radical, a également comparé les policiers allemands rompus à la lutte anti-émeute aux agents genevois, « bons généralistes », mais « pas à la hauteur » en termes de formation, de compétence et de matériel. Il veut donc réfléchir « à des formes d'intervention mieux adaptées », sans toutefois répéter l'erreur de déguiser des policiers en casseurs. Pour lui, cet état de fait ne nécessite pas la démission de Mme Spoerri, même si, par moment, « elle a un peu pataugé » durant le week-end.


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