Spoerri est-elle bouc-émissaire ou incompétente?
Paru le : 4 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_466.htm

POLÉMIQUE · Accusée d'incompétence par certains députés de gauche qui revendiquent sa démission, Micheline Spoerri persiste et signe, avec le soutien de la droite.

SARAH LACHAT

« L'incapacité à anticiper, préparer et maîtriser les événements tout au long du G8, interventions chaotiques, police plus du tout dirigée à Genève », tel est le dur constat que fait le Parti socialiste genevois à propos du travail de la conseillère d'Etat chargée du Département de justice, police et sécurité (DJPS), précisant que « cet état de fait ne peut rester sans conséquence politique ».

Après avoir suivi les événements de ce week-end en tant qu'observateur parlementaire, et après une intervention remarquée lors de la manifestation du pont du Mont-Blanc lundi soir qui a abouti à une importante divergence entre les conseillers d'Etat Charles Beer, Laurent Moutinot et Micheline Spoerri (lire ci-dessous), le député socialiste Christian Brunier va jusqu'à réclamer la démission de la conseillère d'Etat libérale, qui, selon lui, « n'a visiblement pas les nerfs pour le DJPS, et doit au moins changer de département ».

RESPONSABILITÉ DÉMONTRÉE?

C'est la stratégie de la police et son incapacité à prévenir les dérapages tout en menant parfois (certains diront toujours trop tard) des opérations musclées qui est évidemment à l'origine de cette attaque. Mais ce n'est pas la seule raison. Président du PS genevois, Dominique Hausser n'invoque pas la démission de Micheline Spoerri, car « à Genève, on ne débarque pas un conseiller d'Etat comme cela ». Mais il enfonce encore davantage le clou, en affirmant que la libérale a démontré son incompétence bien avant le G8: « Qu'il s'agisse de la gestion de la crise au sein de la police, avec un état-major bancal depuis près de dix-huit mois, ou du dossier des Offices de poursuites et faillites (OPF) sur lequel elle a eu besoin de nombreux coups de main pour faire le ménage, et finalement la crise de ce week-end, rares sont les affaires qu'elle a su maîtriser ». Affirmant que l'Entente « a troqué un cow-boy au petit pois contre un mollusque translucide », il estime que cette situation ne peut durer.

Selon Christian Brunier, des députés de tous bords mettent en doute la compétence de la conseillère d'Etat libérale, mais rares sont ceux qui l'avoueront officiellement. En effet, si elle est mise sur la sellette côté gauche, elle semble totalement soutenue côté droit: Partis radical, libéral et démocrate-chrétien ont tous émis des communiqués s'insurgeant contre ces attaques. Renaud Gautier, député libéral, dénonce le « double langage de ceux-là mêmes qui au cours des derniers mois exigeaient une présence policière minimale en ville et qui maintenant s'exclament parce que la police n'a pas pris de mesures préventives contre les casseurs samedi soir, et s'insurgent encore lorsque la police durcit le ton en conséquence dimanche soir ».

Pour l'ancien président du parti, comme pour nombre de ses pairs, on ne peut juger les décisions de Mme Spoerri sans les replacer dans le contexte des débats qui ont précédé le G8 au sein du Parlement: « C'est cet angélisme baveux parmi les députés et l'accord avec le FSL qui en résulte qui ont conduit aux événements de ce week-end. » Quant aux restes des accusations, il affirme simplement n'avoir entendu que des éloges sur l'action de la conseillère d'Etat, tant dans les OPF que dans les négociations avec la police.

ENQUETE A VENIR

Côté PDC - parti qui s'était rallié à la gauche pour ouvrir le dialogue avec les représentants des manifestants et obtenir une attitude respectueuse de la part de la police -, Patrick Schmied a lui aussi suivi la manifestation en tant qu'observateur parlementaire. Il reconnaît s'être plusieurs fois interrogé avec ses collègues sur la stratégie de la police, qui ne lui paraissait « ni efficace ni très claire ». Sans se permettre de juger la compétence de Micheline Spoerri, il lui attribue tout de même une « faiblesse en matière de communication ». Il annonce que son parti demandera une enquête pour déterminer quelles sont les erreurs et les responsabilités.

Du côté de la police, si durant le week-end plus d'un gendarme a mis en cause au côté de la population la doctrine d'engagement « plutôt discrète » que l'on attendait d'eux, l'état-major ne commente pas ce mardi: le service de communication ne répond pas au motif « d'une crise majeure ». L'Union du personnel du corps de police (UPCP) est plus loquace et semble soutenir la cheffe du DJPS: refusant de faire « les pots de fleurs », les policiers genevois ont menacé de ne pas surveiller les manifestations prévues en fin d'après-midi « si les autorités ne les laissaient pas clairement agir ». Ils estiment avoir été entravés dans leur travail et n'attribuent pas cette responsabilité aux hésitations de Micheline Spoerri mais au fait que des députés soient intervenu1.

Quant à la conseillère d'Etat elle-même, elle se défend et affirme qu'elle « ne se laissera pas faire face à cette tentative de déstabilisation ». Tout en regrettant amèrement les dégâts causés aux commerçants, elle rappelle que Genève était très peu habituée à ce genre de situation et continue d'affirmer que l'essentiel est qu'il n'y ait pas eu de blessés. Concernant les divergences avec ses deux collègues lors des manifestations de lundi soir, elle dénonce une ingérence inacceptable, en soulignant qu'après la réunion du Conseil d'Etat mardi après-midi, le collège est revenu à une position unanime qui lui reconnaît l'autorité qu'elle mérite au sein de son département.

Une autorité à laquelle, malgré tout ce que l'on dit, elle n'est pas prête à renoncer.

en référence aux interventions durant la manifestation de lundi soir sur le pont du Mont-Blanc.


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