Rebelote à Genève
Paru le : 3 juin 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_452.htm

RACHEL HALLER

Hier soir à Genève, vers 20 h, les sirènes se sont remises à hurler au centre-ville. Le pont du Mont-Blanc est bloqué de part et d'autre par des cordons policiers. Des camions ont été déployés, girophares tournant, près du Jardin anglais. Un groupe de manifestants est bloqué devant l'hôtel des Bergues, de l'autre côté de la rade, entre une rangée de policiers allemands et les forces de l'ordre suisses. Toute issue paraît bloquée.

« On vient d'Annemasse », témoigne Salim, observateur du Legal Team français. « On est arrivé à Genève en train, avec beaucoup de retard. Les policiers nous ont bloqués. On voulait juste rejoindre les autres à l'OMC et manifester en toute tranquillité pour le partage de l'eau. On n'est pas des casseurs. Mais voilà qu'en sortant de la gare, il n'y avait que ce chemin à prendre: une impasse ».

On compte plusieurs centaines de manifestants suisses et français. De temps à autres, les policiers lancent des appels par mégaphones, incompréhensibles. Dans une rue parallèle et sur tous les ponts avoisinants, une foule de « touristes de manifestations » - comme on les appelle déjà - observe la situation. L'ambiance est faussement décontractée. Les policiers se font régulièrement narguer par des spectateurs.

Plus haut vers la gare, une dizaine de jeunes femmes sont assises devant les forces de l'ordre et discutent. Un « Robocop » genevois explique que « la manifestation devant l'OMC a été dispersée dans le calme. Le but est maintenant d'éviter que d'autres ne s'y rendent. Mais il faut en même temps les empêcher de gagner les rues Basses. Il y a eu assez de casse », martèle l'agent. Mais comment disperser la foule, et par où? « Je n'en sais fichtre rien », avoue le policier en rentrant dans le rang.

CHANGEMENT DE VISAGE

Ce policier allemand sourit lorsqu'on lui demande ce qu'il pense de la stratégie policière suisse. « En tout cas, cette bande-là, ce ne sont pas des casseurs », assure-t-il. Le maire de Genève est allé discuter avec les manifestants, selon un responsable du Forum social lémanique. « Ces gens-là veulent simplement poursuivre leur chemin. La seule chose que l'on craint, c'est qu'il y ait effectivement des casseurs qui se joignent à eux ». La foule de spectateurs scande: « Laissez-les tranquilles, liberté, liberté ». Vers 22 h, les premiers coups de pétards retentissent. On ne les avait pas entendus depuis plusieurs heures.

Ils sont de plus en plus nombreux à s'agglutiner devant les forces de l'ordre côté gare de la zone bouclée. Aux spectateurs, s'ajoutent progressivement des groupes de jeunes, très jeunes pour certains. Les premiers ont déjà mis des cagoules sur le nez. Au bord du lac, quelques fourgons policiers ont fait marche arrière avant de regagner leur position initiale. Apparemment, personne ne sait quoi faire. Les premières vitrines volent en éclats et des détonations issues des forces de l'ordre font reculer les manifestants. Genève va vivre sa troisième nuit agitée. RH


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