Face-à-face violent au pont du Mont-Blanc (03/06/2003)
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Pris en tenaille, un millier de manifestants a dû faire face aux canons à eau.

RÉCIT: D.CHS; S.D; V.DY; AN.G; B.S; S.W.J.

Hier soir, de nouveaux affrontements se sont produits sur la rive droite. Après les dérives de la nuit de samedi à dimanche et celles qui ont suivi la grande manifestation, un face-à-face violent a eu lieu au pont du Mont-Blanc. Mille manifestants pris en tenaille par la police ont été dispersés à coups de canons à eau, de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes.

Retour sur les événements.

C'est devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) que le premier rassemblement a eu lieu, vers 16h20. Environ 200 personnes manifestent pour le droit à l'eau. L'ambiance est festive. Au rythme d'un groupe de percussion, les manifestants frappent des bouteilles de plastique les unes contre les autres. Quelques-uns assurent la circulation, fortement ralentie mais pas interrompue. A l'intérieur de l'OMC comme à l'extérieur, un important dispositif policier est prêt à intervenir. Petit à petit, l'étau se resserre. Des Black Blocks s'avanceraient en effet en direction de l'OMC. En fait, il s'agit de manifestants venus essentiellement d'Annemasse, 400 à 500 personnes que les gendarmes empêchent de rejoindre l'OMC. Après négociation, le défilé est autorisé sous escorte à faire demi-tour en direction de la gare. Le cortège repart tranquillement en scandant: "Genève avec nous!".

Un autre rassemblement, convoqué en début d'après-midi notamment par internet, avait débuté après 18 heures à la place Neuve. Direction: Rive, via les Rues-Basses. Mais au bas de la rue de la Corraterie, les quelques centaines de manifestants pacifistes se sont retrouvées bloqués par un cordon de police.

La manifestation décide de traverser le pont de l'Ile pour se diriger vers Notre-Dame. Là, il rejoint donc l'autre cortège. Après quelques minutes d'hésitation, tout le monde descend sur le pont du Mont-Blanc. La police présente en ces lieux, décide alors subitement de se retirer. L'objectif manifeste des manifestants? Bloquer la circulation à cette heure de pointe.

Fouille des manifestants

C'était sans compter sur une police qui avait manifestement pour stratégie d'encercler le millier de manifestants. Apparemment, un certain nombre de casseurs auraient pu se glisser au sein du rassemblement pacifique. Le canon à eau est installé. Côté quai du Mont-Blanc, plusieurs dizaines de camions allemands sont postés. Un autre cordon de policiers est déployé. Sur le quai des Bergues, ce sont les hommes du maintien de l'ordre genevois qui prennent position. Enfin, de l'autre côté du pont du Mont-Blanc, d'autres policiers allemands ferment tout accès. Sur le petit lac, des bateaux de la police et des pompiers ont été dépêchés.

Les manifestants sont pris en tenaille. A 21h25, cinq anarchistes anglais sont interpellés sur le pont des Bergues. Pendant plus de deux heures, rien ne bouge à l'exception des renforts successifs des forces de l'ordre. Des observateurs parlementaires engagent des discussions. Des tractations ont lieu afin que les manifestants retournent sur la place Neuve selon un itinéraire choisi par la police. L'itinéraire est toutefois assorti d'une condition: un contrôle d'identité et une fouille des personnes se trouvant sur le pont. Une mesure bien évidemment refusée par les manifestants. "C'est disproportionné!", s'exclame Pierre Vanek de l'Alliance de gauche.

Du coup, les parlementaires auraient proposé un deal: procéder aux fouilles eux-mêmes. Selon nos informations, la police aurait été d'accord. "Micheline Spoerri donne des ordres contradictoires. Elle doit maintenant assumer car nous ne pouvons plus négocier. Nous ne sommes plus crédibles auprès des manifestants pacifistes", lance Christian Brunier, chef de groupe du parti socialiste. Pour le député, la question de la démission de Madame Spoerri se pose...

Bouteille d'acide retrouvée

Toute la soirée, de l'autre côté des cordons policiers, les badauds et sans doute certains sympathisants du mouvement ont continué d'affluer. Egalement de nombreux politiciens, comme Charles Beer et Manuel Tornare. "Police partout, justice nulle part": les slogans fusent au nez et à la barbe des policiers. La tension est palpable. La nuit est tombée sur Chantepoulet.

A 22h30, des grenades assourdissantes, des balles en caoutchouc et des canons à eau sont utilisés pour contenir les manifestants. A l'heure où ces lignes sont écrites, nous apprenons qu'une bouteille qui contiendrait de l'acide sulfurique a été trouvée sur le pont du Mont-Blanc. Le chef de la police Christian Cudre-Mauroux se retrouvait seul à négocier avec les manifestants. La foule aurait pu quitter la zone en direction de l'Horloge fleurie.


Accord contre la volonté de Micheline Spoerri?

DOMINIQUE VON BURG

L'issue du sit-in du pont du Mont Blanc, selon nos informations tard hier soir, a été le résultat d'un chassé-croisé politique qui pourrait avoir des conséquences sérieuses. Jusqu'au bout en effet, il semble que Micheline Spoerri, qui n'était pas présente, se soit opposée à un arrangement pour permettre aux manifestants de partir en cortège vers la place Neuve. De son côté, un groupe de parlementaires a échoué dans une tentative de conciliation. Puis des échanges téléphoniques entre membres du Conseil d'Etat auraient eu lieu, la patronne de la police s'opposant toujours à renoncer aux fouilles et aux contrôles d'identité. Finalement, c'est le patron de la police, Christian Cudre-Mauroux qui aurait autorisé la sortie des manifestants avec l'accord (ou sous la pression?) de Charles Beer, le nouveau conseiller d'Etat socialiste accouru sur place.

Peu avant, la police a mis la main sur une bouteille d'acide dans les rangs des manifestants. Mais à l'heure où nous mettons sous presse, les manifestants quittent le pont du Mont Blanc en direction de la place Neuve. Quels sont les termes de l'accord? A-t-il été imposé contre la volonté de Micheline Spoerri? Autant de questions auxquelles il n'est pas possible de répondre actuellement.


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