LA VIOLENCE - Sur la route d'Evian, le face-à-face fut musclé (02/06/2003)
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Sur la route d'Evian, deux mille manifestants ont essuyé des tirs de gaz lacrymogène.

ANNEMASSE / LIONEL CHIUCH

Encore raté! Le cylindre fumant décrit une courbe gracieuse dans le ciel avant d'atterrir dans un arbre puis de rebondir de branche en branche. Aussitôt, un tonnerre d'applaudissements vient saluer ce tir approximatif. Mais il est de courte durée. Quelques secondes plus tard, une nouvelle salve de gaz lacrymogène, mieux ciblée, provoque un retrait rapide des manifestants, certains n'hésitant pas à plonger dans le fossé qui borde la route.

Hier matin, la basse vallée du Chablais s'est transformée en une vallée de larmes. Près de 2000 altermondialistes, qui avaient quitté leur campement avant les premières lueurs de l'aube, ont tenté de relier Annemasse à Evian en empruntant le plat de Saint-Cergue. "C'était super de voir tous ces gens sortir de leurs tentes, relève un manifestant. On avait l'impression que tout le monde était réglé sur la même montre." L'enthousiasme initial va cependant rapidement butter contre un mur de gendarmes mobiles. On ne passe pas, ni par la route principale, ni par celle située un peu plus haut, où vont se dérouler d'autres affrontements.

Le même scénario

Un petit groupe décide alors de couper à travers champs, mais la manoeuvre est bien vite repérée par les forces de l'ordre. Du coup, certains songent un instant à utiliser un troupeau de paisibles vaches en guise de bouclier. Une idée à laquelle il ne sera pas donné suite, au grand soulagement des ruminants. La confrontation va durer plusieurs heures. Avec, toujours, le même scénario: les manifestants les plus audacieux se rapprochent des gendarmes mobiles, leur décrochent quelques pierres agrémentées d'invectives diverses, puis battent en retraite sous le coup des grenades offensive et des tirs de gaz lacrymogène. Rapidement, l'air devient irrespirable tandis qu'une épaisse fumée recouvre les lieux. Les yeux rougis, une jeune fille se laisse tomber sur l'herbe. "C'est dégueulasse, ce qu'ils font!" lâche-t-elle, avant de se pelotonner contre son ami.

Plus loin, une dizaine d'altermondialistes se chargent d'alimenter un vaste brasier allumé en travers de la route. En queue de peloton, dispersés autour d'un car rouge en provenance d'Amsterdam, certains piquent un roupillon, d'autres partagent un frugal repas. Apprenant les scènes de vandalisme qui se sont déroulées à Genève dans la nuit, un adolescent s'indigne. "Ceux qui font ça discréditent notre action, déplore-t-il. Ici, personne ne casse rien: nous tenons juste à contester l'interdiction d'accès à Evian." Une attitude qui n'est pas du goût de tout le monde: au volant de son véhicule lancé à vive allure sur la voie située en contrebas, un automobiliste vient faire un doigt d'honneur aux altermondialistes avant de repartir aussi sec dans l'autre sens.

Les rares habitants des lieux, eux, restent passifs en observant le spectacle. Lequel varie si peu que plusieurs dizaines d'altermondialistes décident de rebrousser chemin par petites grappes successives. Malgré la (très) maigre circulation, certains s'essaient au stop pour parcourir les deux ou trois kilomètres qui les séparent des villages. En fin d'après-midi, on ne signalait aucun blessé ni dégât à la suite de ce face-à-face.


Le PS dans le viseur à Annemasse

L.Ch.

Récupération? Si ce n'est pas le cas, c'est du moins ce que se sont dit un bon millier d'altermondialistes du VAAAG (village anticapitaliste alternatif antiguerres) quand ils ont appris que le Parti socialiste français organisait samedi après-midi une petite réunion en marge du contre-sommet, en présence d'Elisabeth Guigou, ex-ministre de la Justice.

Aussi sec, les manifestants se sont rendus à Château-Rouge, à Annemasse, pour contester l'opportunité de cette rencontre. Las, le service d'ordre du PS dont certains membres venaient de Paris a paniqué puis aspergé les contestataires de quelques jets de bombes lacrymogènes. Ce qui a provoqué une bousculade, des bris de vitre et l'intervention rapide d'un bataillon de CRS. Bilan de l'échauffourée: la réunion a été annulée et Robert Borrel, le maire d'Annemasse, a décidé de déposer plainte. "Nous, ce qu'on voulait, c'était mettre la pression pour empêcher la réunion", a concédé une manifestante. Mais le mot de la fin revient à un militant du PS qui a simplement lâché: "On est vraiment trop cons."


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