HORS MANIF - Quand le badaud devient un loup pour l'homme (02/06/2003)
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ANTOINE MAURICE

Samedi à 23 heures au centre-ville. La ville respire une atmosphère inhabituelle. Non seulement par la transformation du paysage urbain (les palissades) mais par celle des habitants. Soudain, cette ville d'âge moyen plus que mûr ne compte plus que des moins de trente ans en shorts, baskets et pied ailé pour une mobilité "no limits". La plupart des promeneurs surgissent de l'ombre en petits groupes d'affinités pas franchement familiaux. Ils portent l'inévitable sac à dos et des habits de couleur sombre. A pied, ils arpentent les lieux. Dans un instant, les vitres vont voler en éclats.

Une ville en trouble est une ville où chacun devient un suspect pour l'autre. 23h15, samedi, cinq jeunes gens traversent la Vieille-Ville. Ils parlent polonais. Je les prends pour des touristes noctambules et accélérés, vu la vivacité de leur pas. Or à peine tourné le coin de la rue, ils se jettent avec une grande efficacité sur le seul magasin présent et réduisent sa façade en poussière de verre avant de disparaître hors de vue.

Même la figure placide du paysage urbain qu'est le badaud devient un loup pour l'homme. Le badaud accourt dans l'attente d'un instant inhabituel et jouit on le voit à son expression de cette rupture carnavalesque avec les jours ordinaires. Mais d'une autre façon, le badaud offre aux acteurs de la scène violente imminente le réconfort de sa caution. Aux autorités et aux policiers il offre son témoignage, puisque témoin de la violence qui se produit, il s'en affirme généralement indigné. Aux manifestants les badauds garantissent, à la manière des observateurs et autres témoins de moralité des manifestations, la caution de leur présence. Enfin, aux fauteurs de troubles ils ouvrent le refuge confortable de la foule dans laquelle se fondent les casseurs dès leur action commise. Les badauds sont donc des témoins indispensables mais certainement pas innocents, dans un jeu où chacun est compromis.


"Il faut relativiser la violence"

"J'ai su pour les actes violents perpétrés hier, affirme Dorothée, une mère de famille genevoise. Mais pour moi ça ne change rien, il faut relativiser ces faits. Mes convictions pacifiques et anti-G8 sont plus importantes." Tout un symbole, sur ses épaules, sa fille Angèle tient dans sa main son dernier bricolage: un drapeau aux couleurs de la paix. (fm)

"Le pacifisme avant tout"

Violences ou pas, Denise n'aurait manqué pour rien au monde la manifestation d'hier. "Je suis une pacifiste depuis toujours et je suis venu pour que l'on arrête la spirale infernale de la dette du tiers-monde." A 56 ans, cette militante lyonnaise a animé le front de la manifestation du Jardin anglais à la douane de Vallard. (fm)

"La peur des adultes"

"Les enfants ressentent les inquiétudes des adultes liées à la peur des casseurs explique Christian, un habitant de la route de Malagnou. Aujourd'hui, je me contente de regarder le défilé avec ma fille Emma." Par peur des violences? "Non, comme ça. Je partage leurs idées et d'ailleurs la manif semble très bon enfant." (fm)


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