LA VIOLENCE - Charles Beer découvre le chaos avec les autorités de la ville (02/06/2003)
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La population interpelle les magistrats et s'interroge sur la tactique policière.

ISABEL JAN-HESS

Il est 23h40 samedi lorsque le conseiller d'Etat Charles Beer et le conseiller administratif de la Ville Manuel Tornare sont avertis des graves débordements en cours. Les informations sont confuses et parfois contradictoires, mais on annonce déjà que de nombreuses vitrines ont été pillées. Inquiets les deux magistrats décident de regagner immédiatement la cité. Le retour se fait à bord de voitures discrètes, de location avec des plaques vaudoises pour Charles Beer. Première étape, la Protection civile des Pâquis où la Ville a établi son quartier général (QG). Il est près de minuit, le quartier est calme et les gens s'y promènent loin de l'agitation du centre.

Le conseil administratifsur pied de guerre

Pierre Muller, André Hediger et Patrice Mugny rejoignent rapidement le QG. Le capitaine Le Fort, responsable de la coordination de la sécurité pour la ville, explique la situation. Manuel Tornare est scandalisé. "Je suis effaré de voir une bande de petits cons déstabiliser un mouvement légitime et pacifiste." André Hediger poursuit en hochant la tête: "C'est Beyrouth, le chaos."

Maire depuis quelques minutes d'une ville en pagaille, Christian Ferrazino prend l'initiative d'une reconnaissance sur le terrain. Des groupes se forment et se rendent au coeur de la guérilla. Arrivés à Plainpalais c'est la désolation. Les gaz lacrymogènes témoignent des récents heurts. Vitrines brisées, garage brûlé, Charles Beer ne trouve plus ses mots. "C'est désolant et totalement contre-productif, j'ai de la peine à croire ce que je vois."

Les sirènes retentissent à la rue du Stand. Les deux groupes s'y retrouvent. Quelques bouteilles se brisent à côté des magistrats assaillis par les médias. Les policiers tentent de repousser des manifestants très agressifs. "Mais pourquoi n'interviennent-ils pas?", s'interroge Manuel Tornare. Les magistrats poursuivent leur route vers les rues Basses. L'ampleur des dégâts stupéfie tout le monde. "C'est incroyable, ces gens cassent sans aucune idéologie, juste pour le plaisir", déplore Pierre Muller devant des petits commerces pillés.

Commerçante choquée

Hagard, Charles Beer décide de se rendre au Perron. L'ex-syndicaliste découvre le magasin, installé sous ses anciens bureaux, complètement ravagé. La propriétaire, aux bords des larmes, essaye de reprendre ses esprits. "Mon ami a repoussé avec une barre de fer une dizaine de personnes munies de cocktails Molotov." La vitrine est brisée, le petit commerce détruit. Charles Beer ne peut contenir son émotion.

Plus loin, un policier en faction lui explique que leur matériel très lourd ne permet pas de courir après les pillards. "Nous sommes équipés pour faire face à des émeutes, pas pour la guérilla urbaine." Sur le chemin du retour, les élus croisent une Micheline Spoerri bouleversée venue constater l'ampleur des dommages. Les passants interpellent les élus. On tente de comprendre ce qui s'est passé. Pris à partie, Manuel Tornare et Pierre Muller tentent de rassurer.

"La Confédération devra payer"

De retour à 3h15 aux Pâquis, les magistrats tentent de faire un premier bilan sommaire. S'ils se réjouissent de ne déplorer aucun blessé, ils s'inquiètent en revanche de l'absence d'interpellation. "Les gens ne sont pas rassurés, si la police ne maîtrise pas ces vandales", relève Charles Beer. Christian Ferrazino avoue, lui aussi, ne pas comprendre la tactique policière. Pour l'assemblée, la coordination mise en place en ville de Genève a, quant à elle, parfaitement fonctionné. "Les gardes en civil, de faction au Palais Eynard ou au Grand Théâtre, par exemple, ont immédiatement pu donner l'alerte", confirme Pierre Muller. Tous sont unanimes quant aux dégâts causés: "La Confédération devra payer car ces petits commerçants ne sont pas responsables de ce désastre."


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