Genève connaît une répétition générale mouvementée
Paru le : 31 mai 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_438.htm

MANIFESTATION ANTI-G8 · Quelque 2000 altermondialistes ont fait le tour du quartier des organisations internationales en revendiquant la liberté de circulation pour tous.

SIMON PETITE

Genève a connu hier sa première manifestation anti-G8. Plus de 2000 altermondialistes ont défilé dans le quartier quasi désert des organisations internationales.

C'est le collectif « No Border » qui appelait à manifester. Ce réseau européen est né en 1999 de la convergence de luttes en faveur des requérants d'asile et des migrants indésirables ou exploités. Il revendique la liberté de circulation, l'abolition des lois racistes, des papiers pour tous ou encore la fin des déportations.

D'où le choix inhabituel des lieux désignés hier à la vindicte populaire. « Nous irons d'abord à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) », annonce un activiste de « No Border » alors que les premiers manifestants se rassemblent au bord du lac. Jusque-là, rien de plus classique.

Les deux autres escales prévues le sont moins: l'Organisation internationale des migrations (OIM) et l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Les deux organisations avaient jusque-là été exemptes des critiques du mouvement altermondialiste. La première est accusée, en tant que « leader du management global des migrations », de trier les bons des mauvais migrants. A la deuxième, il est reproché ses politiques de privatisation des idées et de l'information.

GRILLES DE L'OMC OUVERTES

Peu avant midi, le cortège peut s'ébrouer dans la bonne humeur. Ce sont les habitants des deux villages alternatifs installés à Annemasse qui en forment le gros. Les militants, en immense majorité des jeunes, sont venus en train et ont franchi la frontière sans encombre, comme le confirme Mark, venu d'Irlande.

Une fois arrivé devant l'OMC, Alan dénonce au micro: « Nous nous trouvons devant un lieu sacré pour les fondamentalistes qui veulent que le marché régule tous les aspects de la vie humaine. Ils ne connaissent qu'un seul droit, celui de la propriété, et qu'une seule liberté, celle du commerce. » Et l'étudiant anglais de conclure: « Nous, nous croyons à d'autres valeurs. »

Mais une partie de la foule ne l'entend déjà plus. Une poignée d'activistes cagoulés vient en effet de faire sauter le cadenas des grilles de l'OMC. Il s'ensuit un face-à-face tendu avec la police. Mais seuls les caméras et les photographes investiront les lieux... Les organisateurs, eux, s'époumonent: « Cette manifestation est pacifiste, ne fournissons pas un prétexte à la police pour enclencher une dynamique de répression ».

Finalement, le cortège repart (non sans emporter un précieux trophée: la plaque surmontée du logo de l'OMC). Les quelques députés genevois présents sont soulagés. Parmi ces observateurs, le socialiste Antoine Droin soulignait que « cette journée (d'hier, ndlr) était un test en vue de la grande manifestation de dimanche ».

MINORITé CAGOULéE

Un des enseignements est qu'il faudra compter avec une toute petite minorité de jeunes cagoulés déterminés à s'en prendre à ce qu'ils considèrent comme des symboles du capitalisme.

Hier, l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) ou l'ambassade de Russie, pour sa guerre criminelle contre les Tchétchènes, ont ainsi reçu quelques projectiles. La poignée de casseurs s'est surtout acharnée sur des vitres de l'OIM. Avant que les forces de l'ordre ne sortent de leur réserve en tirant deux lacrymogènes.

Les dégâts sont toutefois restés très limités. La foule n'a pas manqué d'exprimer sa désapprobation, surtout lorsque plusieurs vitrines sur le chemin de la gare ont été brisées. « Des tonnes de journalistes n'étaient venus que pour cela et on leur a donné ce qu'ils étaient venus chercher », se lamente Vincent arrivé de Lille et qui se déclare proche du mouvement ATTAC. Mais la plupart des manifestants faisaient valoir que le cortège s'est déroulé dans le calme.

Une analyse partagée par le Forum social lémanique qui s'est félicité de l'affluence. La coalition altermondialiste qui appelle à défiler demain a refusé de commenter les déprédations avant d'en savoir plus. La conseillère d'Etat Micheline Spoerri, en charge de la Justice et de la police, a, elle, déjà tiré les conclusions de cette journée d'hier. Elle a accusé les manifestants de n'avoir pas tenu leurs engagements.


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