Un long chemin pour arriver à convaincre (31/05/2003)
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PIERRE MEYER

"Patchwork": le mot est lâché par la modératrice du débat ("Guerres sociales: le profit contre les peuples") lancé hier en début d'après-midi à l'occasion du colloque d'Attac. Patchwork des interventions et des causes, patchwork des intentions et des pratiques, dont le point de convergence n'est autre que l'idéologie néolibérale et ses ravages.

Chacun des intervenants - syndicaliste, écologiste, féministe ou pacifiste - a réaffirmé, de son strict point de vue, en quoi la logique marchande actuelle était destructrice de solidarité, d'émancipation, de droits sociaux et de matières premières, comme l'eau, accaparées par quelques puissants intérêts privés. Une logique, dont le paroxysme, serait les conflits qui ensanglantent la planète, la guerre d'Irak en étant l'exemple le plus récent. Face à cette spoliation programmée, les militants altermondialistes proposent des voies multiples de combat. Il ressort toutefois du débat que c'est à l'aune de sa capacité à convaincre et à mobiliser que le mouvement sera efficace et, demain peut-être, victorieux.

Et là, beaucoup reste à faire si l'on en croit le syndicaliste allemand d'IG-Metall Mathias Fritz ou l'écologiste brésilien Franklin Frederick. Convaincre les travailleurs allemands et leurs organisations de la nécessité de contacts suivis avec leurs collègues des pays en développement n'est pas aisé, a reconnu le premier, tant la défense nationale des intérêts est ancrée dans les habitudes. Même réflexion de l'orateur brésilien qui constate que la population du Minas Gerais, un Etat très riche en diverses eaux minérales remarquables, ne s'émeut guère de l'achat par Nestlé et Coca-Cola de nombreuses sources qu'ils destinent à la production... d'eau "déminéralisée".

Le "Grand Soir" n'étant plus vraiment d'actualité, reste la politique des petits pas que le mouvement altermondialiste s'est donné pour mission d'accélérer. Comme le dit Andrée-Marie Dussault, rédactrice en chef du mensuel féministe L'Emilie, "tendre vers un nouveau monde, c'est notamment intégrer plus de femmes là où il y a du pouvoir". Remarque pertinente, alors que le G8 est exclusivement masculin! D'autant plus, ajoute-t-elle, que "les femmes sont moins corrompues en affaires et en politique, plus franches et moins attachées à la hiérarchie que les hommes". Les causes défendues par les altermondialistes sont, paraît-il, populaires. Mais, pour l'heure, elles ne semblent mobiliser que les militants eux-mêmes. Une contradiction dont profitent aujourd'hui les "maîtres du monde".


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