« Les observateurs aident à faire baisser la tension »
Paru le : 28 mai 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_417.htm

LAUSANNE · Le député vert Luc Recordon, qui dirigera un groupe d'une trentaine d'observateurs lors des deux manifestations anti-G8, en appelle à la sérénité.

PROPOS RECUEILLIS
PAR DIDIER ESTOPPEY

On a l'habitude de le voir multiplier les casquettes. L'avocat et député vert Luc Recordon, par ailleurs membre du Conseil d'administration de la Banque cantonale vaudoise, vient d'ajouter une nouvelle pièce à sa panoplie: à la tête d'un groupe d'une trentaine d'observateurs, il scrutera les deux manifestations anti-G8 prévues à Lausanne, jeudi et dimanche. Une mission purement bénévole, précise le député, pour laquelle il a d'abord été sollicité par le Comité vaudois anti-G8, les autorités lausannoises et cantonales ayant facilement donné leur plein accord. Rencontre à la veille de deux « grands soirs » qui ont déjà beaucoup alimenté la chronique.

Le Courrier: La pression, la crainte des « casseurs » sont beaucoup montées avec l'approche du sommet. Comment avez vous vécu cette nervosité ambiante?

Luc Recordon: Je ne la partage en tous cas pas. Je sens au contraire depuis quelques jours un regain de confiance. Les négociations entre anti-G8, police et autorités se sont déroulées, à Lausanne, dans un excellent climat. Je crois que les événements du Palace, le 1er mai, ont aidé les organisateurs à comprendre les dangers liés non pas aux manifestants eux-mêmes, mais à ceux qui utilisent les manifs pour s'y noyer et commettre de la casse. Les mesures prises pour les tenir à distance me paraissent adéquates. Notre rôle d'observateurs contribue aussi à faire baisser la tension, même si tout le monde reste dans l'attente d'une grande inconnue: le nombre de manifestants.

« Il est donc dommage d'entretenir la psychose, comme on l'a notamment fait au Grand Conseil vaudois avec les cagoules et les masques. Il n'y a pas lieu de focaliser sur des tenues de carnaval. Si des casseurs comptent là-dessus pour se protéger, ils ne mettront leurs cagoules qu'au dernier moment... On s'arrête sur de faux problèmes. Bien sûr, la manifestation ne sera pas sans risques, notamment aux abords des deux Mc Donald's proches du parcours. Mais je suis serein face aux manifestations lausannoises. J'ai plus de craintes pour Genève, où il y aura beaucoup plus de monde, et des obstacles techniques. On peut craindre aussi, dimanche, la venue à Lausanne de manifestants chauffés à blanc à Genève.

Comment va s'organiser votre travail? Aurez-vous aussi un rôle de médiation?

- Les moyens de contact prévus entre la police et les organisateurs sont suffisants pour que nous n'ayons pas à jouer les entremetteurs. Nous nous posterons donc par paires, en différents endroits, le long du parcours, et observerons les manifestations de l'extérieur. Notre rôle sera différent de celui des observateurs d'Amnesty International, qui se tiendront dans les défilés. Mais nous aurons pouvoir de nous rendre partout où se trouvent des manifestants, y compris dans les zones de sécurité, si certains cherchent à y pénétrer, dans les lieux de détention de la police ou dans les hôpitaux. Nous prendrons aussi des photos, tournerons des images vidéo, et tiendrons un journal détaillé des événements. Ces données resteront en notre possession, en vue de notre rapport, mais il y a évidemment un risque, en cas d'événements graves, qu'elles soient saisies par la justice. Ça fait partie des règles du jeu.

Il y a une trentaine d'années, on voyait souvent Luc Recordon dans la rue... Le notable d'aujourd'hui n'éprouve-t-il aucune nostalgie à se retrouver à l'extérieur de la manifestation?

- Il y a un temps pour tout... Je me reconnais évidemment pleinement, comme mon parti, dans le courant dit altermondialiste. Et on me voit encore souvent dans la rue! Mais si ma notoriété peut contribuer par ce nouveau rôle au droit de manifester, c'est tout aussi utile. Comme manifestant, j'ai toujours été plutôt calme. Ça ne m'a pas empêché, en 1971 avec le Comité action cinéma à Lausanne, de me faire copieusement doucher par des lances incendie. Ou de me faire évacuer avec une grande violence par les CRS lors d'un sit-in à Creys-Malville, en 1976. Un manifestant y est mort l'année suivante. Ce ne serait certainement pas arrivé s'il y avait eu des observateurs neutres. Les CRS avaient une culture très violente de la répression, comme l'ont eue les forces de l'ordre italienne à Gênes, n'hésitant pas, semble-t-il, à provoquer les incidents pour justifier leur action. J'ai l'impression que la gendarmerie vaudoise fait au contraire tout, aujourd'hui, pour apaiser les tensions, montrer qu'elle sait maintenir le calme. Nous l'y aiderons. Nous avons tout à gagner d'avoir une police démocratique plutôt que casseuse.


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