La violence est-elle payante ?
Paru le : 26 mai 2003 http://www.lecourrier.ch/Selection/sel2003_410.htm

ANTI-G8 · Faut-il s'en prendre à des symboles du système dominant (banques, Mc Donald's...)? A une semaine du Sommet du G8, une quarantaine de militants en ont longuement débattu.

SIMON PETITE

Les violences dans le cadre des manifestations. La psychose ambiante a rendu le sujet brûlant. Samedi après-midi, une quarantaine de militants altermondialistes ont longuement débattu, assis dans l'herbe du parc des Bastions. Il ne s'agissait pas de stigmatiser tel ou tel type d'actions mais de réfléchir à leurs effets. Etant donné que ce qui préoccupe les altermondialistes, c'est avant tout le préjudice causé au mouvement par les vitrines brisées.

Le débat était organisé dans le cadre du « lieu commun », la roulotte installée dans le parc des Bastions pour porter les thèmes de l'anti-G8 au coeur de la cité. Chacun était invité à apporter sa contribution.

Il y a celles et ceux qui font valoir que la violence « déprécie » la lutte pour un autre monde. Le débat portait sur l'opportunité de violences contre des biens. « A ce que je sache, aucun passant n'a jamais été agressé lors d'une manifestation », comme le soulignait un intervenant. Tout le monde s'accordait pour exclure toute atteinte aux personnes.

Restent les attaques contre des symboles du système dominant, prônées par la frange la plus radicale: banques, Mc Donald's... « Ce genre d'actions occultent nos revendications et font le jeu de nos adversaires », résume un militant. Un autre appelle à ne pas donner raison a posteriori à ceux qui ont instauré l'état de siège.

ANGÉLISME

En face, on dénonce un certain angélisme. Les actions de blocage du Sommet du G8, dit-on, ne seront pas tolérées par les forces de l'ordre. La confrontation est donc inévitable. De plus, « énormément de luttes sociales ont été gagnées en recourant à la violence ». L'affirmation est corroborée par plusieurs études, précisait un chercheur en sciences sociales. Selon ce dernier, « la violence peut payer », c'est-à-dire que les mouvements sociaux peuvent voir leurs revendications satisfaites.

L'opportunité du recours à la violence n'en dépend pas moins du contexte, conclut l'universitaire. Or, « dans nos démocraties, l'Etat et sa police ont le monopole de la violence légitime. Les citoyens ne sont pas disposés à accepter qu'un groupe s'arroge ce droit », analyse une militante. Pour qui « l'opinion bouffe du sensationnel ».

« J'ÉTAIS DÉGOÛTÉ »

Surmédiatisés, les casseurs nuisent peut-être à l'ensemble du mouvement mais les médias consacrent bien moins de place à une manifestation sans heurts, révélaient en substance certains. Impossible toutefois de faire l'impasse sur le jugement du public. « S'en prendre à des banques, encore peut-on discuter. Mais lorsque j'ai vu un gars balancer un vélo dans la vitrine d'une pharmacie, j'étais dégoûté », témoigne ce militant, à propos de la casse à Berne au retour de la manifestation contre le World Economic Forum à Davos, en janvier dernier.

Pour les défenseurs des actions directes, ces dernières doivent pouvoir être comprises. Samedi aux Bastions, il y avait aussi des gens qui refusent toute violence non pas pour des raisons tactiques mais éthiques. Si la casse se multiplie en marge du cortège anti-G8, ils se demandent quelle attitude adopter...

Lisibles ou pas, les déprédations produisent un effet d'entraînement, soutient aussi une partie de l'audience. Comme cette jeune militante: « Si on détruit un Mc Do, d'autres vont s'offrir une montée d'adrénaline en détruisant les vitrines d'à côté ». « Pourquoi les manifestants devraient être responsables des personnes qui se joignent à eux uniquement pour se défouler? C'est un problème social, symptôme d'une société malade », lui rétorque-t-on.


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