Vendredi 22 Mai 1998, VIOLENCES

Le Conseil d'État genevois cherche à calmer le jeu

Le gouvernement n'amalgame pas les manifestants et les casseurs et veut préserver la liberté d'expression.

Martine Brunschwig Graf, vice-présidente du Conseil d'Etat genevois, a fait le point mercredi sur les échauffourées ayant opposé depuis samedi la police et des casseurs. Une intervention faite avec Laurent Moutinot, le suppléant de Gérard Ramseyer, magistrat en charge de la police genevoise, retenu par des obligations protocolaires.

Le Gouvernement genevois veut faire baisser la tension. Il estime que, globalement, la police a bien rempli son rôle. "Elle a tout fait pour éviter l'escalade de la violence et a adapté ses moyens à la situation." Le fait qu'il y a ait eu relativement peu de blessés -une dizaine en comptant les manifestants et les policiers- est à mettre sur le compte de cette retenue, estime l'Exécutif.

"Le cinquantenaire de l'OMC a pu se dérouler comme prévu", a souligné Martine Brunschwig Graf. Cette dernière a ensuite cherché à faire la part des choses en évitant certains amalgames faciles. "La grande manifestation de samedi et celle de mardi à l'Ile Rousseau se sont relativement bien déroulées", a-t-elle relevé en soulignant que la grande majorité des participants à ces actions avait défilé pacifiquement.

En revanche, mardi, dans la soirée, aux alentours de 22h30, environ 400 personnes encagoulées et armées de barres de fer ont attaqué un bus à la rue Henry-Dunand. Puis elles s'en sont prises à des commerces de la région de Plainpalais. A 23h40, la police a sommé les casseurs de se disperser. Une partie de ceux-ci se sont réfugiés sur le site d'Artamis à la Jonction qui a été investi vers 2h du matin (voir ci-contre). Une soixantaine de personnes ont alors été arrêtées. "Elles n'avaient rien à faire avec le collectif d'Artamis", s'est empressé de préciser la conseillère d'Etat.

DU VANDALISME HIGH-TECH

Au total, 287 personnes ont été interpellées durant la soirée: 117 d'entre elles ont été inculpées d'émeute, de dommage à la propriété, de vol ou de violence envers des fonctionnaires1, 138 ont été relâchées et 2 ont été refoulées de Suisse.

L'âge moyen des personnes arrêtées se situait entre 15 et 25 ans; 12% étaient mineurs. 30% venaient de l'étranger (de toutes nationalités) et 70% habitent en Suisse. Parmi cette dernière catégorie, les quatre-cinquièmes résident à Genève, soit 56% des personnes interpellées.

Laurent Moutinot a ainsi décrit le mélange de motivations: "Nous sommes confrontés à des gens qui s'opposent à l'OMC, d'autres qui manifestent une forme de désarroi, rejoints par des casseurs professionnels ou occasionnels, et des gens très jeunes." "Il nous faut nous interroger sur ce mélange des potentialités et ce qu'il peut représenter à terme", a estimé le magistrat.

Selon des sources policières citées par le Conseil d'Etat, plusieurs phénomènes nouveaux ont été relevés dans les affrontements de ces dernières nuits. Notamment la présence de casseurs professionnels relativement à l'aise dans la menée de groupes, ainsi que la mise en oeuvre d'un outillage sophistiqué, encore jamais vu par les forces de l'ordre genevoise, pour commettre des déprédations. "C'est une forme de transfert de technologie qui nous inquiète", dixit MmeBrunschwig Graf.

De son côté, le Procureur général a fait savoir que "seules les personnes qui ont enfreint la loi seront poursuivies" afin de "respecter la liberté d'expression de celles et ceux qui manifestent dans le calme et le respect d'autrui".

Philippe Bach/MSi

1 Selon le porte-parole de la police, certains sont accusés d'atteinte à la paix des morts pour la profanation de tombes au Cimetière des Rois, mais rien n'indique que cet acte et le vandalisme à Plainpalais soient liés.


articles publiés dans Le Courrier - Mai 1998 | www.agp.org