SANTÉ

Une assiette mi-figue mi-raisin

Comment être sûr que son plat correspond aux normes sanitaires en vigueur dans son pays?

"Un steak, s'il vous plaît!" Le serveur dépose une assiette avec un beau morceau de viande, garni de légumes et de frites. Au moment de planter la fourchette, une question traverse l'esprit du gourmet: d'où vient cette viande, comment la bête a-t-elle été élevée, abattue, conservée...

Avec la libéralisation des échanges, prônée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le monde est devenu un immense hypermarché, accessible à tout consommateur, au Nord du moins. Du coup, les normes sanitaires édictées par chaque pays se trouvent confrontées à la concurrence de celles de leurs partenaires commerciaux.

Exemple. L'Europe, et la Suisse, ont défini, dès 1989, un taux maximum d'hormones dans la viande. Le bœuf américain, qui en a davantage, subit un embargo. Une plainte pour violation des règles internationales a été déposée par les Etats-Unis. Elle a été confirmée par l'organe d'appel de l'OMC en mai 1997, accordant toutefois un délai de quinze mois aux Européens pour prouver "scientifiquement" la dangerosité de la viande aux hormones. Dans l'intervalle, les règlements de l'OMC exigent que l'Europe lève son embargo ou verse une compensation.

La procédure est normale, estime Urs Peter Müller, de l'Office fédéral vétérinaire. Même la levée de l'embargo avant l'ultime décision? "Il y a une petite ambiguïté. Mais on sait que la viande des Etats-Unis ne pose aucun problème sanitaire. Il faudrait en manger deux à trois tonnes par jour et par personne pour provoquer des effets nocifs. On soupçonne la décision des Européens d'avoir des motifs politiques", reprend-il.

Admettons que le cas laisse un vrai doute sur la comestibilité d'un aliment. "Il est absolument clair que l'OMC ne laissera pas passer un produit incorrect du point de vue sanitaire, si la preuve scientifique est apportée", rétorque immédiatement le fonctionnaire fédéral. Oui, mais les querelles d'experts sont monnaie courante... comment trancher?

On peut encore se demander si des pays pauvres, confrontés aux scientifiques d'une puissance occidentale, auraient les moyens de faire les recherches nécessaires pour appuyer leur position. "Je crois que tous les pays disposent d'infrastructures et de scientifiques de haut niveau. Et la Cour internationale ne regarde pas la puissance de l'Etat, mais son argumentaire", défend M. Müller, se voulant rassurant.

ET LE VOEU DU CONSOMMATEUR?

Reste le vœu des consommateurs de bénéficier d'un niveau sanitaire garanti. "Les acheteurs gardent le choix entre une viande européenne ou américaine. D'ailleurs l'indication de la provenance est obligatoire, même au restaurant", affirme Urs Peter Müller. Il ajoute: "Pour le reste, c'est à eux de s'informer."

L'information directe reste cependant lacunaire. En dehors du prix et de la provenance, impossible d'étudier chaque morceau de viande pour déterminer scientifiquement sa composition, notamment en hormones. Marianne Tille, secrétaire-générale de la Fédération romande des consommateurs, réagit avec fougue: "Il n'y a pas que le prix qui joue un rôle dans le critère d'achat du consommateur." Pour elle, le mode de production est tout à fait essentiel. L'omettre dans l'étiquetage serait réduire le consommateur à un porte-monnaie sans âme.

IDt


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