Manger et commercer les OGM

L'accord relatif aux Aspects sur la propriété intellectuelle liés au commerce (APDIC) a ouvert une voie royale au génie génétique. Suivant le mouvement impulsé par les États-Unis, le Parlement européen a donné son feu vert au brevetage des inventions biotechnologiques, concernant tant les plantes que les animaux.

En Suisse, un grand débat s'amorce autour de l'initiative pour la protection génétique, qui sera probablement votée au mois de juin. Celle-ci interdit précisément l'"octroi de brevets pour des animaux et des plantes génétiquement modifiées ou des parties de ces organismes, pour les procédés utilisés à cet effet, et pour les produits en résultant".

Du point de vue de la compatibilité de l'ensemble du texte avec les dispositions de l'OMC, Urs Peter Muller, de l'Office fédéral vétérinaire, ne voit pas de problèmes majeurs. Si ce n'est peut-être la portée qu'on donne à l'interdiction sur la "dissémination d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement".

Rappelons que le maïs et le soja transgéniques arrivent dans nos assiettes. Gérard Vuffray, de l'Union des producteurs suisses, n'hésite pas à y voir une "politique du fait accompli" qui a "court-circuité le débat démocratique". "Dans l'esprit des initiants, on devrait effectivement pouvoir refuser l'importation de tout aliment modifié génétiquement", estime Laurent Duvanel, attaché de presse du Comité en faveur de l'initiative.

Selon les principes de l'OMC, un État a loisir d'établir le niveau de ses normes sanitaires et environnementales. Pour autant que celles-ci puissent être justifiées d'un point de vue scientifique. C'est là que le bât blesse. Car tout État membre peut contester une norme nationale étrangère, en invoquant qu'elle masque une mesure protectionniste. Pêché capital dans le temple de l'OMC qui officie sous la religion du libre-échange.

Ainsi, si le peuple suisse bridait trop fortement le génie génétique en raison de normes éthiques ou même par choix de consommation, il s'exposerait aux foudres potentielles de l'OMC. Un État pourrait attaquer cette décision démocratique en invoquant qu'elle entraîne un effet discriminatoire non "scientifiquement" justifié sur le commerce.

Sans anticiper sur l'avenir, on peut d'ailleurs déjà envisager un cas de figure similaire avec l'obligation -actuellement en vigueur en Suisse- d'étiqueter les produits contenant des organismes génétiquement modifiés avec le sigle OGM. Les Etats-Unis se sont violemment élevés contre pareille mesure lorsque l'Union européenne a proposé de faire de même en juin dernier. L'Oncle Sam a menacé de porter la question devant l'OMC, estimant que le surcoût entraîné par l'étiquetage obligatoire des produits modifiés n'a aucune justification sur le plan sanitaire ou environnemental.

MRy


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