Agitation politique en Inde contre le brevetage des médicaments et des semences

L'Inde a plié mais résiste de son mieux

L'Inde dispose d'une loi qui interdit le brevetage des médicaments, de l'alimentation et de tout ce qui entre dans l'agriculture de base, y compris les semences. Cette loi a été votée démocratiquement au parlement pour satisfaire les besoins de base de la population pauvre du pays.

Quand les négociations de l'Uruguay Round ont débuté en 1986, l'Inde s'opposait à ce que les droits sur la propriété intellectuelle y soient associés. Mais la pression politique de l'Occident pour forcer tous les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à respecter les brevets et autres droits intellectuels a contraint le Gouvernement indien à changer de position. Constatant que les négociations allaient de l'avant malgré ses réticences, il a finalement décidé de s'y joindre.

Plusieurs groupes ont cependant commencé à s'élever contre cette décision. Des chercheurs ont créé un "Groupe national sur la loi des brevets" qui a mis en évidence que la mise en place de l'accord occasionnerait des coûts supplémentaires pour la population.

Les leaders des mouvements de base des paysans ont aussi compris quels étaient les dangers pour les petits agriculteurs : ils ne pourraient plus, désormais, échanger des semences améliorées, puisqu'il leur serait interdit de procéder ainsi avec les semences provenant de types brevetés. Et comme les importantes firmes étrangères comme Cargill ont une grande puissance de marketing, il leur serait très facile de dominer ce marché, dont les agriculteurs deviendraient dépendants à des prix élevés. Quand les organisations de base ont expliqué aux petits agriculteurs partout, dans les villages, ce que les négociateurs étaient en train de leur concocter à Genève, les paysans se sont mobilisés. Plus de 500 000 hommes et femmes ont manifesté dans les rues pour afficher leur opposition. Un acte politique difficile à ignorer ! A un autre moment, ils ont attaqué un bureau de Cargill et brûlé ses documents.

Ces luttes ne concernent d'ailleurs pas que les paysans. En effet, d'autres groupes se sont aussi mobilisés contre le cycle de l'Uruguay. Des chercheurs ont démontré que les prix de certains médicaments pourraient devenir 41 fois plus chers. Leur accès deviendrait dès lors inaccessible à une large proportion de la population. Des organisations de consommateurs ont rejoint les mouvements d'opposition, parce que de nombreux éléments des accords de l'Uruguay Round empêcheraient des couches importantes de la population d'accéder aux produits de base.

Même des ex-juges ont apporté leur contribution et ont démontré que le Gouvernement national dépassait ses pouvoirs en négociant dans des domaines qui relèvent de la souveraineté des autorités régionales. Des organisations des citoyens ont porté plainte contre le gouvernement devant la cour de justice !

Toutes ces oppositions ont provoqué des débats dans les médias et ont convaincu un grand nombre de parlementaires que le cycle de l'Uruguay était néfaste à l'Inde qui y perdrait une partie de son indépendance (une nouvelle fois...). L'opposition aux accords du cycle de l'Uruguay et à la création de l'OMC a été si grande et les débats politiques si intenses que le gouvernement n'a pas pu faire ratifier les accords par le parlement, mais les a imposés par décret gouvernemental.

Depuis, une très grande opposition politique contre les accords de l'OMC se fait entendre au parlement. Et tout en ayant cédé sur certains points, l'Inde se profile comme un pays d'avant-garde dans l'élaboration d'une loi qui assure une protection des droits et des privilèges des paysans.

CAAMP


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